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Un phallocrate féministe

Hugh Hefner, le fondateur de Playboy en 1953, est mort mercredi. Ah Playboy, un monument de la presse magazine du XXe siècle ! Bon, il faut bien le reconnaître, pour les moins de 50 ans, il s’agit avant tout d’une feuille de chou un peu ringarde et Hugh Hefner peut être légitimement vu comme un vieux pervers aimant s’entourer et profiter de jeunes filles naïves et peu vêtues dont la conversation n’est pas la première des qualités. Pour la jeune génération, Playboy est aussi le magazine que les soldats américains au Vietnam s’arrachent dans les films d’Hollywood. Mais peut-être que certains de nos lecteurs un peu plus âgés ont connu leurs premiers émois devant les photos «olé olé» de Marilyn Monroe, Ursula Andress ou encore Romy Schneider… Les mêmes photos aujourd’hui n’ont plus grand-chose de sulfureux et s’affichent aux yeux de tous sur les arrêts de bus, les panneaux publicitaires, les magazines grand public.

C’est d’ailleurs l’une des critiques à l’encontre d’Hefner : avoir participé à la marchandisation à outrance du corps de la femme et, donc, en être un ennemi. Mais replaçons les choses dans leur contexte. Quelle était l’image de la femme dans les années 1950 aux États-Unis ? Une épouse souriante aux fourneaux, en jupe longue et chignon, qui attend le retour du travail de son héros de mari devant le perron de la maison à la pelouse impeccablement tondue.

C’est bien là tout le paradoxe du créateur de Playboy. Un homme qui voit les femmes comme des objets sexuels, mais aussi un artisan de la révolution sexuelle. Dans les années 1950, le désir féminin était tabou et il a contribué à ce que les femmes puissent affirmer aimer le sexe sans passer pour des débauchées. Il défendait déjà, il y a 60 ans, les droits des homosexuels, a milité pour le droit à l’avortement, pour l’accès à la contraception dans un pays au puritanisme exacerbé.

Mais si Hefner a permis de ringardiser l’image de la femme au foyer qui ne vit que par et pour son mari et ses enfants, il est quand même réconfortant de constater que Playboy appartient lui aussi au passé.

Nicolas Klein