Tous les militaires russes ne sont pas des bouchers sanguinaires qui veulent détruire le monde. Dans les pans méconnus de l’histoire récente, on peut trouver des exemples. Celui de Stanislav Petrov, pour n’en citer qu’un seul. Ce lieutenant-colonel a littéralement sauvé le monde la nuit du 26 septembre 1983. Un film documentaire, sorti en 2014 et disponible sur les plateformes de la chaîne ARTE, relate le destin hors du commun d’une «personne ordinaire», comme il se décrit à l’image. Il est décédé en 2017.
Le portrait débute par la colère d’un vieux grincheux, qui vit dans la douleur d’avoir perdu son épouse emportée prématurément par la maladie, et descend des bières aussi rapidement qu’il crame une cigarette. C’est bien lui, pourtant, qui a gardé son sang-froid dans la panique provoquée par le lancement supposé de cinq missiles intercontinentaux depuis la côte ouest américaine tout droit sur Moscou. La fiabilité des informations collectées par la technique de l’époque est «maximale», même si aucun contrôle visuel ne permet d’être affirmatif. L’homme ne fait pas confiance aux machines. Toute la responsabilité du destin de l’humanité repose sur ses épaules de petit gradé. Quelques minutes pour prendre une décision qui empêchera une troisième guerre mondiale. De la fumée sans feu au final, aucune bombe n’est tombée cette nuit-là. Fausse alerte qui viendrait du logiciel embarqué par les satellites, qui aurait confondu la réflexion des rayons du soleil sur les nuages avec le dégagement d’énergie au décollage de missiles… «Je ne suis pas un héros, j’étais juste au bon endroit au bon moment», dira-t-il humblement devant l’ONU, autrement plus impressionné par une rencontre avec son idole Kevin Costner.
Trente ans après cette nuit d’angoisse, il se dit pessimiste. Convaincu que «tant que les deux camps disposeront de l’arme atomique, le risque nucléaire ne peut être exclu». Dans les gouvernements russe et américain, «il y a des va-t-en-guerre qui ne veulent que déclencher des conflits. C’est absurde. On n’a rien appris du passé», regrette-t-il, puisque «personne ne gagnera» à ce jeu plus que dangereux.
Peut-être qu’aujourd’hui, malgré tout, au sein de l’état-major aux ordres de Poutine, entre les murs d’une salle de commandement impénétrable, il y a un Stanislav Petrov qui refusera lui aussi d’appuyer sur le bouton.
Alexandra Parachini