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Un enfant pauvre plutôt riche

Au Luxembourg, un enfant sur quatre est exposé à la pauvreté. Un des facteurs à l’origine de ce chiffre aberrant est le logement, qui en quelque sorte est l’autre enfant pauvre du pays. Mais ce constat ne vaut pas pour tous les acteurs concernés de près ou de loin par le secteur immobilier. Des aberrations légales et un laisser-faire coupable ont permis aux spéculateurs de prendre le pouvoir et de dominer outrageusement le marché. L’offre largement défaillante ne fait qu’aggraver le problème pour ceux qui cherchent à se loger, mais elle remplit les caisses de ceux qui ont la main sur cette denrée rare. Cet enfant pauvre est donc plutôt riche.

Au fil des années, l’État a failli à son rôle de créer et gérer un parc immobilier aux prix abordables. Et pourtant, le pays s’est doté dès 1974 d’un ministre du Logement… social. Des politiciens
de renom comme Jacques Santer (CSV) ou Jean Spautz (CSV) ont occupé ce poste. Depuis 1989, chaque gouvernement compte un ministre du Logement. Mais ni le logement social ni le logement tout court ne se sont développés dans la bonne direction. En 2002, Jean-Claude Juncker avait tenté en vain de renverser la tendance. Tout cela fait que le retard à combler est titanesque.

La tâche du nouveau ministre Henri Kox (déi gréng) n’est pas simplifiée par le fait que, pendant des années, des logements sociaux ont été acquis à prix modéré avant d’être légalement revendus au prix fort sur le marché privé. L’État peine aujourd’hui à reprendre la main. Tous les partis sont d’accord pour augmenter le nombre de logements construits et gérés par les promoteurs publics et les communes. Les chemins pour y parvenir divergent encore. Mais dans tous les cas, le fléau de la spéculation doit être combattu. Même le CSV veut taxer cette pratique. Étonnant, mais mieux vaut tard que jamais.

La volonté de trancher dans le vif ne doit pas faiblir dans les mois et années à venir. Sans quoi, le simple citoyen qui connaît de plus en plus de difficultés pour boucler ses fins de mois sera le seul à rester l’enfant pauvre du pays.

David Marques