Lorsque, début octobre, éclata l’affaire Harvey Weinstein, le scandale fut planétaire. Et ceci non seulement en raison de l’envergure des faits qui lui sont reprochés : au final, quelque cinquante actrices américaines, mais pas seulement, auront à un moment ou à un autre de leur carrière eu affaire au puissant producteur, et à des degrés divers de contrainte et de violence. Les accusations portées contre lui ne concernent plus seulement des cas de harcèlement sexuel : plusieurs femmes l’accusent de viol.
Non, si cette affaire a eu un retentissement au-delà du monde vaniteux d’Hollywood et même au-delà des frontières des États-Unis, c’est qu’elle a contribué à libérer une parole encore trop souvent étouffée. On a justement souligné que le plus choquant, dans toute cette affaire, a été le silence étourdissant qui aura régné des décennies durant dans l’entourage d’Harvey Weinstein concernant ses agissements, pourtant loin d’être ignorés. Mais un mélange de domination virile et de pragmatisme commercial aura eu raison de la souffrance de ces femmes qui, il faut bien le constater, ont préféré ne pas en parler. À la suite de ces accusations, le hashtag #balancetonporc a été lancé en France, suivi du hashtag #MeToo de l’actrice américaine Alyssa Milano, depuis traduit en arabe. La journaliste italienne Julia Blasi lance, elle, #quellavoltache («cette fois où»).
Au Luxembourg, le scandale ne déclenche que peu de réactions. Le hashtag #MeToo lancé sur Facebook par une artiste reconnue est repris une demi-douzaine de fois… Le Luxembourg, un cas à part? Le récent rapport Innocenti de l’Unicef dans le cadre duquel 13 % des Luxembourgeoises âgées entre 18 et 29 ans ont déclaré avoir été victimes d’abus sexuels commis par un adulte avant l’âge de 15 ans suggère autre chose. Alors quoi? Les adultes ne s’intéressent qu’aux filles? Pour les laisser tranquilles une fois qu’elles sont devenues femmes? On a compris ces dernières années que le Luxembourg, pas plus que d’autres pays, n’est un cas à part dans aucun domaine sociétal. Par conséquent, qu’avons-nous à craindre à libérer la parole?
Frédéric Braun