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Un autocrate comme allié

Lundi soir, des milliers de manifestants se sont retrouvés dans les rues d’Istanbul et d’Ankara pour protester contre l’incarcération d’Ekrem Imamoglu, grand rival politique du président Recep Tayyip Erdogan. Cette mobilisation démontre une nouvelle fois qu’il ne faut pas réduire la Turquie au chef de l’État, que l’on doit plus que jamais traiter d’autocrate. La mise à l’écart délibérée de la principale figure de l’opposition illustre ce virage autoritaire. Ekrem Imamoglu était devenu trop dangereux pour Recep Tayyip Erdogan en prévision de l’élection présidentielle de 2028.

Est-ce que la pression de la rue pourra changer quelque chose? Voir le président turc reculer semble exclu. En témoigne la violence avec laquelle les forces de l’ordre combattent le mouvement de protestation. Plus de 1 300 personnes ont été arrêtées, dont au moins dix journalistes. Les manifestations ont été interdites dans les trois plus grandes villes turques. Tous les principes d’une démocratie et d’un État de droit sont violés. Pourtant, les pays européens restent plutôt prudents dans leurs condamnations. L’UE s’est ainsi contentée d’appeler la Turquie à «respecter les valeurs démocratiques».

Il existe une raison qui explique cette passivité. Face à la menace des États-Unis de Donald Trump de ne plus contribuer à la sécurité du Vieux Continent, la Turquie fait figure de partenaire indispensable pour renforcer la capacité de défense de l’Europe. Le pays dirigé par le président Erdogan est membre de l’OTAN. Son armée, composée de 350 000 soldats, est la deuxième en effectif de l’Alliance atlantique après l’armée américaine. L’effort de réarmement qui vient à peine d’être lancé nécessite le soutien d’Ankara. Et n’oublions pas que la Turquie a déjà joué un rôle de médiateur entre la Russie et l’Ukraine, notamment en ce qui concerne l’accord sur l’exportation de céréales. La proximité de Recep Tayyip Erdogan avec Vladimir Poutine entache toutefois ces manœuvres diplomatiques.

Ce n’est pas le président américain qui blâmera son homologue turc pour ses dérives autoritaires. Les Européens se voient, eux, confrontés à un autocrate qui est également un allié. Le président turc sait qu’il se trouve en position de force.