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Tous fautifs

Il faudra que la justice tranche en dernier lieu et non pas la Chambre, piégée par un cadre constitutionnel datant encore du XIXe siècle…» Ce constat, nous l’avions dressé au lendemain de la démission de la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg. Un bon mois plus tard, l’imbroglio politico-judiciaire qui entoure l’affaire Gaardenhaischen n’est encore en rien levé. 

À qui imputer la faute? Carole Dieschbourg a peut-être plié un brin trop vite, espérant être rapidement entendue par les enquêteurs sans devoir être «accusée» par la Chambre des députés. En gros, elle cherchait à être traitée comme tout autre citoyen. C’est raté. Des dispositions de la Constitution sortant tout droit du Moyen Âge sont donc à mettre en cause. Pour le reste, on ne peut pas forcément charger l’ex-ministre, pour laquelle, secret d’obstruction oblige, ne sont toujours pas connus les faits qui lui sont reprochés. Carole Dieschbourg sera-t-elle mangée à la même sauce que l’ancien député-maire Roberto Traversini, à l’origine de l’affaire, et auquel on reproche de supposés faits de détournement de deniers publics, de prise illégale d’intérêts et de blanchiment? L’enquête est toujours en cours.

En attendant d’y voir un brin plus clair, il faut aussi blâmer les députés et les majorités successives qui ne sont toujours pas parvenus à moderniser une loi suprême désuète. Sans la volte-face du CSV en juillet 2019, il est probable que la nouvelle Constitution serait déjà en vigueur, sans l’article archaïque qui réserve à la seule Chambre le droit d’accuser un ministre. En 2012, la majorité CSV-LSAP et l’opposition emmenée par le DP et déi gréng avaient bien jugé dans l’affaire Krecké «que dans un État de droit, il ne saurait y avoir de confusion entre les rôles respectifs du Parlement et de la justice» et que «la mise en accusation de tout citoyen devra relever du pouvoir judiciaire». Mais la rédaction d’une loi pour mettre en musique les articles poussiéreux et dissonants de la Constitution n’a jamais été lancée.

Hier, un tel texte a enfin été mis en perspective. Ce sont les verts de Carole Dieschbourg qui se sont imposés. Même si cette initiative tardive peut amener davantage de sécurité juridique, le mélange des genres n’est toujours pas écarté.