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Terrain sans frontière

Pourquoi exciter les passions ? Depuis samedi et l’annonce de l’achat d’un terrain côté français par la commune de Differdange, le web déborde de commentaires populistes. Il s’agit pourtant de défendre une zone écologique transfrontalière face à l’appât du gain d’industriels. Mais les uns (Luxembourgeois) y ont vu de l’argent public dilapidé… comme si Lasauvage ne méritait pas qu’on la défende d’une décharge à sa lisière. Et les autres (Lorrains) y ont vu une sorte d’annexion vexante d’un bout de leur région par le tout-puissant voisin économique. Alors qu’évidemment la souveraineté sur ce terrain reste française.

Nous avons suffisamment défendu un modèle transfrontalier équilibré pour affirmer qu’il n’y a pas de raison de crier au loup ici. Et bien mieux, il faut se réjouir des solutions «bricolées» par les acteurs de terrain !

Idéalement, évidemment, ça aurait été à la commune de Saulnes de pouvoir racheter ces terres sur son ban, qu’un propriétaire privé voulait revendre à des entreprises pour de l’enfouissement. On en revient à la question des capacités d’investissement des communes frontalières, bien trop minces, alors qu’elles accueillent de nombreux travailleurs frontaliers (dont les taxes sur le salaire et les entreprises restent de l’autre côté). Voilà l’impuissance dans laquelle elles se retrouvent, ce qui oblige à de tels montages.

Mais d’un point de vue differdangeois, l’effort est notoire (2,5 millions d’euros) et l’intérêt louable : préserver une zone écologique commune. Reste maintenant, pour enclencher une dynamique réelle dans ce dossier, à en faire une zone de projets partagés. C’est là toute la mission du Territoire naturel transfrontalier. Fondé en 2015, il regroupe deux communes luxembourgeoises (Differdange et Pétange) et deux communes françaises (Saulnes et Hussigny-Godbrange) pour favoriser la continuité de la nature. Cette association mérite tous les soutiens : quand les enfants et leurs parents se promènent dans le coin, ils ne se demandent pas s’ils sont en France ou au Luxembourg. On entend parler dans toutes les langues autour des jeux, et ils profitent, sans autre préoccupation qu’admirer la nature. Comme ils ont raison !

Hubert Gamelon