Tabac : l’argent a une odeur

Les fumeurs français toussent : jeudi, le prix moyen du paquet de cigarettes a encore augmenté, à 8 euros. En 2020, il atteindra les 10 euros.

Pendant ce temps, un voisin ne pipe mot devant cette «bonne» nouvelle pour la santé des Français… et des caisses grand-ducales. Les tarifs du tabac au Luxembourg provoquent un appel d’air chez les fumeurs frontaliers. En 2016, le prix du tabac au Luxembourg était en moyenne de 5 euros, contre 5,5 en Allemagne, 6 en Belgique et 7 en France. Champion du discount du tabac ! Mais un champion schizophrène. Car pendant qu’au ministère des Finances, on ne mégote pas sur les 500 millions d’euros rapportés par le tabac, au ministère de la Santé, on doit se tortiller sur sa chaise. Plutôt inconfortable de multiplier les actions contre le tabagisme dans un pays qui n’ose pas frapper là où ça fait mal : au portefeuille.

Or c’est un fait étayé par une légion d’études : chaque hausse significative du prix du tabac (+10 %) entraîne une baisse de la consommation (en moyenne de 4 %). Mais au Luxembourg on n’envisage pas de flambée des prix comme en France. Si le pays adaptait les prix du tabac au niveau de vie local, le paquet au Grand-Duché serait plus proche des prix australiens (près de 20 euros le paquet, et bientôt 30 !) que des prix des pays de l’Est.

Coïncidence ou pas, les chiffres du tabagisme sont peu flatteurs. En 2016, le pourcentage de fumeurs (20 %) n’a pratiquement pas baissé par rapport à 2015 (21 %). Et surtout, le plus grand pourcentage de fumeurs est observé chez les 18-24 ans (26 % en 2016), sachant que ce pourcentage était de 23 % en 2015 !

L’échec de la politique luxembourgeoise de lutte contre le tabagisme est là. Car la cible numéro un de l’industrie du tabac, qui sait que la dépendance tabagique est un virus à inoculer le plus tôt possible, ce sont bien les jeunes.

Ce n’est pas pour rien que le Luxembourg, dans le classement Tobacco Control Scale (2016) des pays européens menant les politiques antitabac les plus efficaces, est à… l’avant-avant-dernière place. Champion ? Oui, mais du pire des podiums…

Romain Van Dyck