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Sujet de diversion

La polémique n’en finit plus outre-Atlantique concernant l’éventuelle implication de Moscou dans la campagne présidentielle de 2016. Des hackers au service du Kremlin auraient piraté le Parti démocrate pour transmettre des informations embarrassantes au site WikiLeaks.

En fait, nous ne connaîtrons jamais la vérité. D’une part, par sa nature même, il est très difficile de remonter la trace des commanditaires d’une telle attaque. D’autre part, il est impossible de prendre pour argent comptant les dires de Washington. L’histoire a prouvé que les États-Unis – mais ils ne sont pas les seuls – n’hésitent pas à mentir au reste du monde : l’invasion de l’Irak en 2003 et la fable des armes de destruction massive, l’attaque imaginaire par les Nord-Vietnamiens de navires de guerre américains dans le golfe du Tonkin et le déclenchement de la guerre du Vietnam en 1964, l’affaire des couveuses du Koweït lors de la première guerre du Golfe, etc., etc.

Mais le problème est ailleurs. En se focalisant sur cette éventuelle implication russe, on en oublie les réelles causes de la défaite d’Hillary Clinton. Surtout que ces piratages n’ont abouti à aucune révélation fracassante – mis à part le fait que les dirigeants démocrates ne voulaient pas de Bernie Sanders comme candidat – et n’ont quasiment pas influencé le résultat. Cette polémique évite ainsi de se demander comment «la femme la plus qualifiée pour ce job» a pu perdre.

Passer plus de temps à récolter des fonds qu’à faire campagne était-elle la meilleure stratégie? Traiter les électeurs de Trump de «deplorables» (pitoyables) ne traduirait-il pas le mépris des élites pour «l’Amérique profonde»? Voir un milliardaire remporter la quasi-totalité des États de la «Rust Belt» (ceinture de rouille, zone industrielle en difficulté de la région des Grands Lacs) ne signifierait-il pas que le Parti démocrate est déconnecté d’une grande partie de l’électorat? N’est-il pas naïf et superficiel de croire que s’afficher avec les stars du showbiz peut faire la différence? Était-il vraiment judicieux de se concentrer presque exclusivement sur les minorités?

Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)