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Suivez les panneaux

Dans nos sociétés, les panneaux servent à tout. Ils servent à indiquer où on peut se garer, à quelle vitesse on peut rouler, où est-ce qu’il faut s’arrêter, où il faut venir prendre son ticket de stationnement. Ils servent aussi à avertir où se trouve une entrée, qu’un chien méchant se cache dans un jardin ou qu’il faut suivre cette flèche pour trouver son chemin. Tout est bien organisé, ordonnancé. Et cette logique va loin.

Les poids lourds sont nombreux à traverser le Grand-Duché, pour livrer du matériel, en prendre ou pour s’abreuver de gazole bon marché dans les stations-services locales. Sur l’un d’eux qui circulait entre Dudelange et Luxembourg mardi et qui venait de Pologne, un de ces fameux petits panneaux était installé sur la porte arrière de la remorque. Il était inscrit «Attention. Don’t go to UK. Ne va pas à UK». Pratique. Ce petit panneau est destiné aux migrants désirant se rendre au Royaume-Uni et qui sont donc invités à ne pas monter à bord de ce véhicule pour ne pas risquer de se retrouver au milieu de nulle part. Quand on vous dit que dans nos sociétés tout doit être bien organisé…

Les migrants se trouvant en Europe de l’Est ou en Europe centrale sont toujours des milliers à monter à bord de ces poids lourds pour poursuivre leur odyssée vers le Royaume-Uni. Souvent en vain. Ils se retrouvent alors naufragés sur la côte française. La présence de ce panneau à l’arrière du poids lourd est une triste indication. Elle montre que ces personnes en grande détresse font désormais partie de la vie quotidienne des routiers. C’est une simple donnée désormais à prendre en compte quand on traverse l’Europe et qui nécessite quelques panneaux pour éviter tout malentendu, sans cynisme mais avec un certain fatalisme. Elle montre finalement qu’aucune réponse proposée par les pouvoirs publics et l’Europe n’a permis d’enrayer le phénomène, qui dure depuis plus de cinq ans maintenant. Il est temps de trouver des solutions pérennes à cette population déracinée perpétuellement en fuite. Et ce n’est pas un panneau «frontière fermée» qui réglera le problème.

Laurent Duraisin