La solidarité de l’Union européenne pour accueillir des réfugiés ukrainiens a pris un premier coup, jeudi. Mais le scénario de la honte, qui se profilait à l’horizon, a pu être évité de justesse. L’honneur est sauf, même si l’accord adopté par les 27 comprend d’importants bémols.
En début d’après-midi, les «suspects usuels», réticents à l’accueil de réfugiés, avaient relevé le pont de leur forteresse. Hongrie, Pologne, Slovaquie et Autriche ne comptaient offrir l’asile qu’aux seuls détenteurs d’un passeport ukrainien. Pas question d’accueillir les réfugiés de guerre venant d’Ukraine mais qui ont une autre nationalité. Pour reprendre les initiales des quatre dissidents, on a pu qualifier ce blocage initial de honteux, puant, sordide et abject.
Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a, lui aussi, trouvé des mots très durs, mais entièrement justifiés envers les États membres voulant différencier les réfugiés : «J’attends que nous décidions d’une protection temporaire pour toutes les personnes venant d’Ukraine, quelles que soient leur couleur de peau, leur langue ou leur religion. Nous ne devons pas instaurer un apartheid maintenant !»
En fin de compte, un statut de «protection temporaire», de deux et non pas de trois ans, sera accordé aux ressortissants ukrainiens et à leurs familles. Les ressortissants d’autres pays, par contre, doivent non seulement remplir la condition d’être des résidents de «longue durée» en Ukraine. Ils sont aussi susceptibles de ne pas bénéficier du statut de protection européen, mais de tomber dans le champ d’application d’une législation nationale adoptée spécifiquement dans le cadre de la crise ukrainienne, sans savoir si leur statut sera équivalent à celui des pays pleinement solidaires. Pire : il n’existe encore aucune perspective pour les étrangers résidant en Ukraine et ne disposant pas d’un titre de séjour de longue durée. Sont notamment concernés des étudiants.
Ce compromis suffit-il pour parler de «changement de paradigme», comme on a pu l’entendre jeudi Bruxelles. On est tenté de répondre par la négative, d’autant plus qu’il n’existe aucun plan de répartition formelle pour le million de réfugiés ayant déjà réussi à fuir la guerre… Bienvenue en Europe !