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Spoutnik, drôle d’oiseau

La lutte contre la pandémie – dont la découverte d’un vaccin sonnerait une victoire indéniable – aura été le terrain (miné) d’une énième bataille sans merci ni autre politesse entre les États-Unis et la Chine. Les deux puissances ennemies se tirent dans les pattes, histoire de briller aux yeux d’un monde piaffant d’impatience à l’idée de recevoir sa dose et estimant avoir laissé suffisamment de plumes dans cette crise.

Et puis Vladimir Poutine est venu clouer le bec de toute la basse-cour en dégainant le premier, mardi. Un drôle d’oiseau qu’on appelait Spoutnik, clin d’œil à la mise en orbite du satellite éponyme en octobre 1957. Une première, là aussi, dans l’aventure spatiale. Cette année-là, l’affront, en pleine guerre froide, avait poussé l’esprit américain de conquête et de revanche au firmament.

Revenons en août 2020. Pas un mot du président Trump sur le futur lancement de «Spoutnik V», pourtant si prompt à pépier sur Twitter à la moindre occasion. Son ministre de la Santé, envoyé au front médiatique, a tout juste tenté un timide mais amer «ce n’est pas une course pour être le premier». À peine. Quand bien même, finir dernier ferait mauvais genre. Surtout quand on étale sa science à l’infini et au-delà. Plutôt humiliant, à tout dire.

Pour l’anecdote, Washington a baptisé sa recherche de vaccin «opération vitesse de l’éclair». Le Kremlin, lui, est donc clairement passé à la vitesse de la lumière avec son «Spoutnik V». Et voici la guerre des bannières étoilées éclipsée par la rivalité des tsars montante.

En dépit du buzz, du reste, personne ne sait ce que vaut la trouvaille russe. Même si Poutine fille l’a testée et, selon son paternel, approuvée. L’Organisation mondiale de la santé, tout autant que la communauté internationale, a appelé à la rigueur sinon à la prudence. Espérons au moins que ce remède censé délivrer l’humanité du mal ne mue pas en oiseau de malheur, comme feu Spoutnik sixième du nom finit par se brûler les ailes…

Alexandra Parachini