Pour Xavier Bettel, Bruxelles a eu tort d’étaler mercredi sur la place publique les noms de sept pays européens, dont le Luxembourg, pour leur pratique fiscale agressive au profit de multinationales.
«Il aurait été plus opportun et plus efficace de discuter au préalable avec les pays concernés», a dit le Premier ministre. Sans doute eût-il été plus «opportun» pour l’image du pays de ne pas alourdir sa réputation déjà chargée de paradis fiscal. Quant à être plus «efficace», il est permis d’en douter quand le Grand-Duché est rappelé à l’ordre sur ce sujet depuis des années. Cela ne date ni de cette semaine ni du scandale LuxLeaks.
Le gouvernement se plaît à dire qu’il a serré la vis sur les rulings quand il n’a fait que sortir le pays de la zone de non-droit dans laquelle il se trouvait depuis… 1996, quand Bruxelles lui avait déjà enjoint de stopper son usage dévoyé des rescrits fiscaux. Il en va ainsi de bien des mesures prises récemment. Dans la lutte contre la fraude fiscale ou le blanchiment, le Luxembourg n’est pas exemplaire. Il se contente de se mettre en conformité a minima avec le droit de l’UE. Et encore. Il faut, par exemple, un sacré culot pour affirmer que les sociétés boîtes aux lettres ont disparu quand des centaines d’entreprises sont toujours domiciliées dans des cabinets d’avocats ou des fiduciaires.
Le gouvernement martèle tant que cela appartient au passé qu’il est forcément confus quand la réalité crue le rattrape. En l’espèce, il s’agit d’un aride rapport de la Commission européenne. Modèles mathématiques à l’appui, il rassemble des indicateurs économiques aboutissant à une comparaison objective entre membres de l’UE. L’on est loin de la charge politique contre des petits pays, comme le prétend la Belgique, également épinglée. Le but n’est pas de se payer tel ou tel pays. Après les mises en garde mesurées, il est un moment où il faut sortir des atermoiements. Quitte à heurter la susceptibilité de pays comme le Luxembourg. Car la position de l’UE devient indéfendable quand elle cloue au pilori des îles des Caraïbes sans balayer devant sa porte. Elle est indécente à l’intérieur même de ses frontières où ces pratiques fiscales contribuent à creuser d’obscènes inégalités.
Fabien Grasser