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Si désespéré

Qu’est-ce que l’audace ? Voilà une question à laquelle Donald Trump n’aurait eu aucun mal à répondre. Le candidat républicain à la présidentielle de novembre aux États-Unis a refait parler de lui, quelques semaines après sa blessure par balle lors d’un meeting. Alors que les démocrates s’apprêtent à officialiser la candidature de sa rivale, Kamala Harris, en grande pompe durant la convention de Chicago qui se déroule cette semaine, Donald Trump repart dans ses travers.

L’ancien président américain a ainsi publié plusieurs photos sur le réseau Truth Social, dont une de la chanteuse Taylor Swift, habillée en tenue d’oncle Sam et scandant «Taylor veut que vous votiez pour Donald Trump». Les trois autres clichés, tous générés par l’intelligence artificielle (IA), montrent des femmes portant des tee-shirts avec le slogan «Swifties for Trump», en référence au surnom porté par les fans de la chanteuse.

Une manœuvre surprenante, surtout lorsque l’on sait les prises de position affichées dans le passé par l’artiste de 34 ans, actuellement en tournée en Europe. Elle avait notamment apporté son soutien à Joe Biden lors de la campagne présidentielle de 2020. Mais au-delà du mensonge (qui n’étonne plus personne, surtout venant de lui, le roi des «fake news»!), c’est bien l’usage néfaste de l’intelligence artificielle qui pose question ici.

Le candidat républicain n’en est en effet pas à son coup d’essai : un œil sur son compte X suffit pour comprendre l’ampleur du phénomène. En témoigne son dernier montage, là aussi généré par l’IA, de Kamala Harris en leader communiste. Comment dit-on déjà ? Ah oui, «plus c’est gros, plus ça passe». Voilà un nouveau slogan dont le Parti démocrate devrait s’emparer. Mais qui effraie.

La démocratisation de l’IA et son usage pour duper les masses nous plongent sans conteste en plein cœur d’un épisode de Black Mirror. Surtout lorsqu’elle est employée à des fins politiques, en pleine campagne présidentielle. Car même le plus averti d’entre nous peut être trompé par ce type de manipulation de l’image. Qui rend aussi notre travail à nous, journalistes, plus délicat.

Qu’on se rassure ici, il faudra un autre tour de passe-passe pour inciter les «Swifties» à voter pour Trump dans quelques mois. D’autant que la personnalité de l’année 2023, élue par Time Magazine, n’a pas encore apporté officiellement son soutien à qui que ce soit. Mais nul doute que Donald Trump redoute cette échéance. À juste titre.