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Selfies et écolavage

La finance va-t-elle sauver l’humanité de la catastrophe climatique ? Le président français a réuni mardi à Paris le «One Planet Summit» avec l’idée que la finance verte terrassera le changement climatique. Chefs d’État, de gouvernement, banquiers, investisseurs y sont allés de leur couplet écolo, une main sur le cœur, l’autre sur le smartphone pour un selfie avec le photogénique Macron, le toujours musculeux Schwarzenegger ou d’autres people en vue. Xavier Bettel n’a pas été le dernier à sacrifier à ce petit jeu.

Deuxième place mondiale pour les fonds d’investissement, le Luxembourg, ou du moins son gouvernement, veut croire que la finance verte est le Saint Graal qui arrêtera le désastre. Il y a un mois à Bonn, le pays a dépêché son ministre des Finances à la COP23 pour promouvoir les fonds verts luxembourgeois. Des ONG notent cependant qu’en la matière il n’existe aucun standard, que l’on peut bien y mettre ce que l’on veut et offrir aux pollueurs l’occasion de s’acheter une virginité environnementale par le truchement du green washing, ou écolavage en bon français.

Parmi les obligations vertes luxembourgeoises, on trouve celles de la BEI qui vient d’accorder brillamment le plus gros prêt de son histoire (1,5 milliard d’euros) à un projet de gazoduc dont la construction occasionnera des dégâts environnementaux irréversibles en Italie. Il y a aussi une société espagnole qui vend de l’électricité issue de centrales à charbon… Un peu de poudre verte sur la noirceur des énergies fossiles et le tour serait joué.

Comme souvent en politique, le geste est aussi éloigné de la parole qu’un ours polaire à la dérive sur un iceberg l’est de sa banquise natale. Il en va ainsi de la France et de ses projets d’autoroutes à foison. Plus proche, le Luxembourg veut s’ériger en terre d’accueil mondiale des data centers, activité parmi les plus énergivores qui soient.

Ces contradictions sont le fruit de politiques publiques orientées vers la seule croissance économique. Mais cette croissance est aujourd’hui portée par un capitalisme financier qui, quelle que soit sa couleur, a son horizon propre : le profit à tout prix. Et un bon zeste de com pour faire passer la canicule.

Fabien Grasser