Nous l’acceptons, mais sans euphorie.» La réaction de Hans-Peter Friedrich, cacique du parti conservateur CSU, à une nouvelle candidature d’Angela Merkel aux législatives de l’automne prochain résume bien l’accueil réservé à l’annonce faite dimanche par la chancelière. Elle-même reconnaît à mots à peine couverts y aller davantage par devoir que par enthousiasme. Elle prédit une élection difficile, la plus difficile depuis la réunification de l’Allemagne, a-t-elle dit. Son parti, la CDU, ne recueille plus que 33 % des intentions de vote dans les sondages, soit dix points de moins qu’en 2013, mais Angela Merkel demeure la personnalité politique la plus populaire aux yeux des Allemands. Pour la droite allemande, sa candidature semble surtout tenir d’un mal nécessaire en l’absence d’un candidat alternatif jugé suffisamment crédible. Composer un programme commun avec le parti frère de la CSU ne sera pas aisé, les conservateurs bavarois n’ayant de cesse de se distancer de la politique centriste menée par la chancelière et surtout de sa générosité vis-à-vis des réfugiés, ayant abouti à l’accueil de près de 900 000 personnes en Allemagne en 2015. Sur ce plan, l’adversaire le plus coriace des conservateurs sera néanmoins la xénophobe Alternative pour l’Allemagne (AFD). Et des voix, à gauche, estiment que par sa candidature, Angela Merkel attise les flammes du populisme ambiant, les attaques de l’extrême droite se concentrant surtout sur sa personne.
Pour sa dernière tournée internationale, Barack Obama a adoubé la chancelière, ultime rempart face au populisme et phare de la démocratie occidentale après les votes en faveur du Brexit et l’élection de Donald Trump. Angela Merkel a affirmé dimanche que «la défense des valeurs» démocratiques et «de notre mode de vie» seront au centre de son programme. Mais elle a aussi clairement fait savoir qu’elle n’était pas prête à assumer seule ce rôle. Angela Merkel apparaît bel et bien comme une figure de stabilité dans un paysage politique bouleversé par la montée de l’extrême droite. Pour autant, avant de devenir la «sainte Angela» des réfugiés, il faut se rappeler qu’en imposant une impitoyable cure d’austérité à l’Europe, elle a largement contribué à la montée des populismes qu’elle dit maintenant vouloir endiguer.
Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)
Vous avez raison, Merkel a favorisé l’avènement ou l’explosion de populistes de tous bords.
Ceci dit, le terme populisme au sens large n’est pas suffisamment explicite pris isolément et donc ambigu. Par définition, un mouvement populiste se présente comme une alternative souvent radicale à la politique traditionnelle, aux élites en place, bref à ce qu’on appelle l’establishment.
Pour être compris, il est donc utile de préciser populisme de « gauche » ou de « droite ».
Pour revenir à Merkel, sa – très personnelle – politique migratoire a favorisé la montée en Allemagne de l’AfD (populistes de droite) mais aussi d’autres mouvements de droite ou d’extrême droite en Autriche, Hongrie, Pologne pour ne citer que ceux-là et au passage le déchirement général des européens sur le sujet.
Cette même politique migratoire a aussi favorisé le Brexit : Farage, UKIP and Co, populistes de droite, se sont largement servis des images de ces hordes de réfugiés en route vers l’Allemagne pour effrayer les Britanniques et les pousser vers le Brexit alors qu’en fait, ils n’étaient pas fondamentalement favorables au « out ».
Dans une moindre mesure, Donald Trump, populiste de droite, a aussi diffusé nombre de clips vidéo montrant une Allemagne étouffée par sa politique migratoire et complètement islamisée, histoire d’en remettre une couche et de montrer à ses partisans et aux autres ce qu’ils risquaient s’ils ne durcissaient pas le ton par rapport aux migrants en général, aux musulmans en particulier.
Puisqu’on parle des élections US, rappelons qu’Hillary s’est fait « flinguer » non seulement par le FBI mais aussi par un autre populiste – de gauche celui-là – en la personne de Bernie Sanders qui a jeté de la poudre aux yeux (technique préférée des populistes de tous bords) à une partie de l’électorat démocrate (notamment les jeunes). Ces « déçus » (merci de nous avoir fait rêver Bernie) n’ont ensuite pas jugé utile de se mobiliser pour Hillary avec le résultat qu’on connaît.
Pour revenir à Merkel, elle a, avec son impitoyable politique de rigueur comme vous dites, favorisé les mouvements populistes – de gauche ceux-là – comme Syriza en Grèce, Podemos en Espagne et Bloco de Esquerda au Portugal pour ne citer que ceux-là et qui, à part avoir tenté de donner un grand coup de pied dans la fourmilière se sont révélés en fin de compte plus contre-productifs qu’autre chose.
Pas mal pour une même personne et vous pouvez être sûr que malgré ce bilan, Merkel sera réélue. Elle a fait le vide autour d’elle (par exemple Steinmeyer qui était un candidat potentiel crédible vient d’être nommé président et est donc hors course). Et elle n’hésitera pas à s’allier avec Die Grünen ou Die Linke pour faire l’appoint si nécessaire dans sa future cohalition. La seule alternative c’est AfD mais les Allemands sont encore beaucoup trop timorés pour s’engager dans cette voie pleine d’incertitude.
Alors, 4 more years Angela, sauf si une « shooting star » apparaît sans trop tarder dans le paysage politique allemand mais c’est peu probable.