À première vue, tout va bien. Le système de retraite du Luxembourg dispose d’une manne financière conséquente. Les réserves de 23,8 milliards d’euros suffisent à verser durant près de cinq ans les pensions sans qu’un seul euro de cotisation soit payé. La forte croissance de l’emploi salarié, et donc du nombre d’assurés, permet depuis des décennies de générer des excédents budgétaires réinvestis dans le fonds de pension. Depuis 2013, la réserve globale a ainsi augmenté de 88 %, sans que les cotisations aient été revues à la hausse. Le vent est cependant en train de tourner.
Au plus tard depuis hier, le serpent de mer qu’est le mur des pensions a refait surface. Le bilan décennal de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) vient en effet rappeler que le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de pensionnés évolue dans le mauvais sens. En 2013 encore, 100 salariés finançaient 40,8 pensions. Fin 2020, les mêmes 100 cotisants finançaient déjà 42,1 pensions. Selon les scénarios, le coefficient va se dégrader tous les 10 ans avec, en 2070, un ratio de 96 pensions pour 100 assurés.
Des points de basculement majeurs seront toutefois atteints bien plus tôt. À partir de 2027, le taux de cotisation de 24 % pourrait ne plus être suffisant pour permettre à l’assurance pension de rester à l’équilibre. En 2041, les réserves passeraient dans le rouge. Les caisses risquent d’être vides en 2047. Les effets correcteurs de la réforme du régime de pension introduite en 2013 ne vont pouvoir retarder l’échéance que d’une ou deux années à peine.
L’expression «mur des pensions» n’est pourtant pas tombée mardi, lors de la présentation des dernières projections. À tort ou à raison ? La réponse est qu’il reste, en principe, encore suffisamment de temps pour éviter le choc frontal. Après avoir longtemps tergiversé, le gouvernement a décidé de charger le Conseil économique et social (CES) de préparer le terrain. Il est louable que syndicats et patronat, tout comme la Chambre, soient impliqués dans le débat crucial qui s’annonce. Le compte à rebours est lancé. Et il n’y a plus trop de temps à perdre. Car, comme dans bon nombre d’autres domaines, l’impact à moyen et long terme de l’invasion russe en Ukraine ne peut encore nullement être chiffré.