S’il y a un trait de langage commun à quasiment tous les dirigeants politiques de la planète, c’est bien l’emploi du mot «réforme».
«Nous allons réformer ce pays», «il s’agit de mettre en place les réformes nécessaires», «ce sont des réformes difficiles, mais indispensables», «nous allons poursuivre les réformes coûte que coûte» : ces assertions auraient tout aussi bien pu être prononcées à Luxembourg, Madrid ou Tombouctou. Et quand, parfois, les citoyens s’insurgent contre certaines réformes, c’est bien sûr qu’«ils n’ont pas compris», qu’«on ne leur a pas assez bien expliqué».
Ces arguments conduisent à une forme d’infantilisation des citoyens, incapables de se rendre compte de ce qui est bon pour eux et qui doivent être guidés par des adultes qui sont, eux, pleinement responsables.
Dans le dictionnaire, «réforme» signifie au sens large «une amélioration apportée dans le domaine moral ou social». Et c’est bien là que le bât blesse. Dans le discours politique actuel, cette définition a été totalement dévoyée. L’idée d’associer le mot réforme avec le progrès social est devenue quasi inexistante.
Quand on demande à certains pays membres de l’Union européenne de réduire le salaire minimum ou le budget de la santé, d’attaquer le rôle redistributeur de l’État, il ne faut pas s’étonner de s’attirer l’hostilité des citoyens. Il ne s’agit pas d’une espèce de réflexe primitif «anti-réforme», mais bien d’une opposition pleinement consciente face à certains choix de société. Pour de nombreux citoyens, «réforme» n’est plus synonyme que de régression sociale.
Pourtant, si l’on remonte un tout petit peu le fil de l’histoire sociale européenne, on peut s’apercevoir que le terme réforme n’a pas toujours eu le sens que l’on veut bien lui donner aujourd’hui. L’interdiction du travail des enfants, la réduction du temps de travail, la mise en place d’une protection sociale généralisée, la création des congés payés ou des systèmes de retraite : ce sont aussi des réformes.
Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)