Pour le gouvernement italien, l’offre de rachat d’Ilva par ArcelorMittal est une aubaine. Rome, qui avait pris le contrôle du sidérurgiste en 2015, y voit la solution pour dépolluer le site et sauver des emplois dans une région des Pouilles durement frappée par le chômage. Pour ArcelorMittal, l’opération renforcera sa position de leader par l’acquisition de la plus grande aciérie d’Europe en capacités de production. Après l’alliance de géants chinois au sein de Baowu Steel en 2016 et la fusion de ThyssenKrupp et Tata en septembre, la reprise d’Ilva par ArcelorMittal écrirait un nouveau chapitre de la concentration du secteur.
Cela inquiète Bruxelles, jugeant qu’ArcelorMittal devient trop dominant sur le marché européen, d’où l’idée du sidérurgiste de céder cinq usines, dont celle de Dudelange. Une méthode qui donne aux salariés de ces sites le sentiment d’être de simples pions sur l’échiquier mondial de l’acier. Mais ArcelorMittal est un acteur global et c’est aussi en cela que sa stratégie interroge. Il était ces dernières années en première ligne pour dénoncer la surproduction d’acier, imputée au dumping chinois. Sous sa pression et celle d’autres groupes, l’UE a imposé des aciers chinois et Pékin a pris des engagements, annonçant ainsi début avril une campagne de lutte contre la surproduction. Angela Merkel et Xi Jinping viennent aussi de convenir qu’ils chercheraient une solution à la surcapacité dans le cadre du G20.
ArcelorMittal ne veut pas qu’Ilva tombe dans l’escarcelle d’un concurrent. Son plan de reprise initial prévoit de porter la production de l’unité italienne de 6 millions de tonnes par an à 9,5 millions. Si cela pèse peu dans la production mondiale, il est toutefois contradictoire pour ArcelorMittal de dénoncer la surproduction des autres.
Pour maintenir des prix élevés, les sidérurgistes mondiaux ont réduit leur production, tournant début 2017 à 70 % de leurs capacités. Pour conserver leurs profits, ils n’ont de choix que de suivre cette voie qui impose de sacrifier des sites. Une logique de bien mauvais augure pour Dudelange.
Fabien Grasser.