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Pris dans son propre piège

À jouer trop gros, on perd parfois plus que ce que l’on espérait gagner. Sur le papier, la «grande» Russie devrait sans doute l’emporter militairement sur la «petite» Ukraine. La guerre de l’opinion est, en revanche, déjà finie pour Vladimir Poutine. Dans son plan de bataille, il avait planifié chaque détail pour envahir le voisin en deux temps trois mouvements et calculé les risques, sanctions économiques comprises. Une sale affaire qui serait pliée en quelques jours. Sauf que le stratège du Kremlin n’a pas anticipé la formidable résistance opposée par l’armée et la société ukrainiennes. Il a négligé la capacité des Européens et Américains à oublier les vieilles querelles pour faire front commun. Il n’a clairement pas vu venir le soulèvement populaire qui s’exprime dans les capitales.

Dans sa quête aveugle d’impérialisme fantasmé, Poutine croyait diviser pour mieux régner. Pris dans son propre piège, le voici contraint d’improviser et agiter toujours plus haut l’épouvantail nucléaire. Seul au monde dans son palais. Pas sûr que les oligarques, frappés au portefeuille, continuent très longtemps de financer la folie des grandeurs du tsar. Pas sûr que son état-major, recadré comme une bande de gamins dissipés, se soumette indéfiniment et sans broncher aux ordres. Pas sûr, non plus, que le peuple accepte d’être complice du massacre orchestré. La désobéissance civile guette. Depuis le début de l’offensive, à Saint-Pétersbourg comme à Moscou, ils sont des milliers à défier les coups de matraque pour faire entendre leur colère. Tant pis si la prison se trouve au bout du combat pour la paix et la liberté. Hier encore, ils étaient une centaine à avoir répondu à l’appel d’Alexeï Navalny. Depuis ses geôles, l’opposant a exhorté ses compatriotes à se rassembler tous les soirs sur la place principale de leur ville.

Heureusement que les voix s’élèvent et que l’émotion parle. Inutile de reprocher à Jean Asselborn la sienne. Le ministre luxembourgeois a fait les gros titres pour avoir évoqué un sort funeste au président russe. Des mots mal choisis, certes, mais un message largement partagé par l’opinion publique. C’est indéniablement de ce côté que se jouera la victoire.

Alexandra Parachini