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Pouvoir, trahison et renouveau

Depuis Mitterrand, les socialistes français adorent jouer avec le Front national. Manuel Valls a agité mercredi le chiffon brun de Marine Le Pen pour justifier son ralliement à Emmanuel Macron et sa trahison à l’égard de ses électeurs, car il ne veut «prendre aucun risque pour la République». Autrement dit, pour l’ancien Premier ministre, les dés sont jetés : favori des sondages, Macron sera président. Sa défection s’inscrit dans une liste déjà longue de premiers et seconds couteaux socialistes à renier leur engagement écrit à soutenir le vainqueur de la primaire. Outre un désaccord politique possible avec Benoît Hamon, on devine que nombre d’entre eux, convertis au libéralisme, craignent aussi de perdre leur strapontin de député en juin. Encore faut-il que l’électorat de gauche se laisse tromper (à nouveau) et que les sondages aient encore un sens.

En attendant, à cette allure, ces transfuges vont finir par étiqueter le mouvement de Macron en «parti des traîtres» et faire de leur poulain le légataire du quinquennat catastrophique de François Hollande. Ce qui serait assez juste si l’on considère la façon dont Macron a inspiré la politique des cinq dernières années. Jean-Christophe Cambadélis, le patron du PS, a posé hier son veto à l’exclusion de quiconque du parti. Cela nuirait, selon lui, à la campagne de Hamon et hypothèquerait l’avenir d’un PS dont on voit pourtant mal ce qu’il reste à sauver.

Mais à trop jouer la division, les caciques socialistes sont peut-être en passe de réussir ce qui avait échoué jusqu’à présent : unir autour d’une candidature unique Mélenchon et Hamon, les deux têtes de pont de la gauche. Leur programme sont proches et tous deux portent des idées et des idéaux à même d’incarner un renouveau progressiste à gauche.

Cela ferait un bien mauvais scénario pour les déserteurs aux yeux rivés sur leurs calculettes. En additionnant les intentions de vote dévolues à Hamon et Mélenchon, une candidature unique de l’un d’eux le propulserait en tête du premier tour, devant Macron et Le Pen. Cruel dilemme. Mais on en n’est pas là.

Fabien Grasser