« Un patriotisme démocratique qui […] défend la liberté de travail des journalistes » : c’est par cette phrase sybilline qu’est évacuée la question de la liberté de la presse dans le contrat de mariage présenté samedi par Le Pen et Dupont-Aignan. Rien de bien spectaculaire, si ce n’est que la liberté des journalistes est mise en relation avec «un patriotisme démocratique», concept aussi vague que susceptible d’ouvrir la voie à toutes les dérives. Le Pen se pose régulièrement en protectrice de la liberté d’expression et se plaint d’être l’objet d’un boycott médiatique. C’est son sempiternel jeu que de se présenter en victime du «système médiatico-politique».
Mais en réalité, le FN bénéficie d’une exposition supérieure à la plupart des autres partis, en tout cas sans rapport avec sa faible représentativité électorale (deux députés à l’Assemblée nationale). Toute autre est aussi la réalité des rapports entretenus par le FN avec les journalistes. Une pétition signée par des professionnels dénonce le tri effectué par les sbires de Le Pen entre «bons» et «mauvais» journalistes, ces derniers étant ceux exposant un point de vue critique sur le parti d’extrême droite et sa cheftaine. Ces derniers mois, des journalistes voulant assister à des réunions frontistes ont été exclus, agressés verbalement et parfois houspillés par les nervis du FN. Sont particulièrement visés le site Mediapart et l’émission Quotidien sur TMC.
Telle est la nature du FN, celle d’un parti proclamant être seul détenteur d’une vérité définitivement établie, écartant par conséquent toute avancée du savoir et tout esprit critique. Pour le FN, la culture est suspecte et les intellectuels des traîtres aux valeurs traditionnelles qui fondent sa pensée fascisante.
Cette approche a été illustrée samedi par Aymeric Merlaud, conseiller régional FN qui a proposé de «créer un ordre des journalistes» pour «sanctionner des pratiques mauvaises». Ses propos ont été démentis par le parti. Mais l’idée trouve un écho dans le projet Le Pen qui soumet de réorganiser les syndicats en limitant le droit de grève et en les faisant «entrer dans des logiques de concertation constructives» avec le patronat. Voilà qui fleure bon le corporatisme qui fut si cher au régime de Vichy.
Fabien Grasser