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Pour 1,6 milliard d’euros

Cette fois, il se pourrait bien que le rendez-vous de l’Eurogroupe aujourd’hui à Luxembourg, annoncé comme la énième réunion de la dernière chance dans le règlement de la crise de la dette grecque, le soit pour de bon.

À moins que les dirigeants européens ne décident de jouer les prolongations au cours du week-end. En tout cas, le ton est sacrément monté ces derniers jours entre Athènes et ses créanciers, FMI, BCE et Union européenne. Alors que ces derniers exigent de la Grèce qu’elle baisse encore les modestes pensions des retraités (750 euros par mois en moyenne), le Premier ministre, Alexis Tsipras, a averti, hier, que «si l’Europe insiste sur cette incompréhensible fixation, il lui faudra accepter le prix de conséquences qui ne bénéficieront à personne en Europe».

L’enjeu immédiat est le déboursement par les créanciers d’un emprunt de 7,2 milliards d’euros à la Grèce qui lui permettront notamment de rembourser, au 30 juin, 1,6 milliard d’euros au FMI. En contrepartie, l’institution internationale enjoint à Athènes de baisser les retraites et de porter la TVA sur l’électricité à 23%. Inacceptable pour Alexis Tsipras, élu précisément sur la promesse d’en finir avec cette austérité inique dont le seul effet est d’enfoncer toujours plus la Grèce dans l’endettement et la pauvreté.

Il est déplorable que pour 1,6 milliard d’euros, Européens, Américains et institutions soient prêts à achever la Grèce, alors qu’en 2008 et 2009 ils avaient sans discussion mobilisé sous diverses formes plus de 7 000 milliards d’euros pour sauver les banques à l’origine de la crise. Et les retraités grecs apprécieront de savoir que, depuis, les dirigeants de ces mêmes banques ont plus que doublé leurs revenus.

Ce qui se joue dans les jours à venir est crucial pour une Union européenne faisant jour après jour la démonstration d’une impossible solidarité entre États membres, à des années-lumière de l’Europe des peuples revendiquée par ses dirigeants.

En jeu aussi, la légitimité de la démocratie avec cette question dépassant largement le cas grec : à quoi sert-il encore de voter, quand le pouvoir de décision des élus est réduit à néant par des intérêts financiers ?

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)