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Poké… stop ?

Colmar-Berg : cinq jeunes tentent de rentrer dans la cour du château grand-ducal. Mersch : des «chasseurs» empêchent un agriculteur d’accéder à son champ. Esch-sur-Alzette : un conducteur, concentré sur son GSM, retourne sa voiture rue de Mondercange

Le Luxembourg a déjà droit, lui aussi, à son lot d’anecdotes depuis le lancement du jeu Pokémon Go. Et on s’amuse de ces dérapages et violation de propriété privée, pour l’instant sans gravités.

Ce n’est probablement qu’une question de temps avant qu’un fait divers plus sordide ne survienne. Dans d’autres pays, des chutes mortelles, dégradations, violences et autres mouvements de foules bloquant des autoroutes pour attraper un Pokémon légendaire, ont déjà mis les législateurs dans l’embarras. Et ça peut se comprendre. Essayez de répondre à cette question posée par le Guardian : «À qui appartient l’espace virtuel autour d’un lieu physique ?» Loin d’être évident. Le journaliste fait ainsi remarquer que personne n’est autorisé à accrocher un panneau sur le mur de votre maison. Mais le jeu Pokémon Go, lui, «épingle» des lieux réels sur sa carte de jeu, en les transformant par exemple en arènes de jeu. Il s’approprie donc, virtuellement, des lieux publics ou privés.

Cela peut sembler sans gravité. Mais pour les créateurs du jeu, le temps de l’insouciance est déjà derrière eux. La ville d’Hiroshima a réussi à imposer à Niantic, la société éditrice du jeu, de retirer ses points d’intérêts Pokémon dans la ville pour ne pas perturber les commémorations de l’attaque nucléaire. Même résultat au musée d’Auschwitz-Birkenaupour éviter les chasseurs de Bulbizarre, ou ceux de Rattatac à la prison des Khmers rouges au Cambodge…

Pour ces lieux ultrasensibles, la demande va de soi. Mais elle pourrait faire des émules. Pourquoi un particulier ou un maire ne pourraient-ils pas non plus refuser cette appropriation virtuelle ? D’autant que ces applications basées sur la réalité augmentée risquent de se multiplier, et avec elles le risque que des mêmes lieux se retrouvent épinglés des dizaines de fois. Et là, gare à l’overdose…et au game over.

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)