C’est à l’unanimité que les députés luxembourgeois ont voté hier la résolution du député CSV Laurent Mosar reconnaissant le génocide arménien, perpétré entre avril 1915 et juillet 1916 par les troupes de l’Empire ottoman.
Ce drame de l’histoire est nié par une Turquie revendiquant l’héritage de cet ancien empire englobant notamment l’actuelle Arménie. Le sujet est des plus sensibles pour les Turcs qui se montrent d’autant plus susceptibles lorsque est employé le terme de génocide. Inventé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le mot a été adopté par les Nations unies dans son acception juridique en 1948 pour décrire les persécutions et exterminations «commises dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux».
Peut-on dès lors considérer que l’assassinat d’au moins 1,2 million d’Arméniens, visés précisément parce qu’ils étaient arméniens, était un génocide ? La question est loin d’être contingente et bien que tout semble abonder dans ce sens, Ankara se fâche tout rouge avec qui parle de génocide. Pour les députés luxembourgeois, la cause semble pourtant entendue : c’est bien un génocide qui a été perpétré contre les Arméniens pendant la Grande Guerre.
Pour autant, ce vote n’oblige en rien le gouvernement. Jean Asselborn l’a bien signifié, hier, lors de son intervention devant les députés. «Massacre», «violences», «meurtres» sont quelques-uns des mots utilisés par le ministre des Affaires étrangères. Ils renvoient fâcheusement à ceux maniés par les négationnistes de tout crin, à l’image du cerveau du génocide rwandais, le colonel Bagosora, estimant lors de son procès que l’élimination de 800 000 personnes en raison de leur appartenance ethnique n’était qu’un massacre.
Mais à l’heure où les relations commerciales et économiques du Grand-Duché avec la Turquie prennent une dimension sans précédent, Jean Asselborn a évité à dessein d’utiliser le mot banni. Entre devoir mémoriel et business, le gouvernement a choisi. Et qu’importe le vote unanime des représentants du peuple.
Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)