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Poches vides et mémoire courte

Si la Grèce a les poches vides, l’Allemagne, elle, a la mémoire courte. Car, comme le déclarait récemment l’économiste Thomas Piketty au quotidien allemand Die Zeit, l’Allemagne est «vraiment le meilleur exemple d’un pays qui, au cours de l’histoire, n’a jamais remboursé sa dette extérieure, ni après la Première, ni après la Seconde Guerre mondiale».

Rien qu’au XXe siècle, l’Allemagne s’est en effet retrouvée trois fois en faillite. Entre 1924 et 1929 notamment, la République de Weimar a vécu à crédit, empruntant d’énormes sommes aux États-Unis, avant de connaître un défaut de paiement au début des années 30. Défaut qui a eu à l’époque un retentissement mondial comparable à la crise financière de 2008!

En 1953, rebelote, l’accord de Londres permet à la République fédérale d’Allemagne d’effacer plus de la moitié de sa dette d’avant et d’après-guerre. «À partir de là, l’Allemagne s’est portée comme un charme pendant que le reste de l’Europe se saignait aux quatre veines pour panser les plaies laissées par la guerre et l’occupation allemande», remarque d’ailleurs Albrecht Ritschl, historien de la London School of Economics.

Car il n’est pas inintéressant de rappeler que si elle a pu se relever en 1953, c’est au détriment de ses créanciers, dont la Grèce justement, qui a alors décidé de tirer un trait sur l’ardoise.

Bref, sans dédouaner la Grèce de ses graves erreurs financières, l’Allemagne n’a pas vraiment la légitimité pour jouer les pères la morale. Tout comme les autres pays européens d’ailleurs! Car le hit-parade des mauvais payeurs est consternant. Le pire emprunteur est l’Espagne, avec 14 défauts de paiement dans son histoire, suivie de la France (une dizaine), l’Allemagne (huit défauts), puis l’Autriche, le Portugal… Et la Grèce avec sept défauts.

Abandonner aujourd’hui la Grèce, alors qu’elle ne fait que reproduire les mêmes erreurs que ses camarades européens, est une hypocrisie historique, économique et politique. C’est la fuite en avant de nos économies, plombées par de monstrueuses dettes publiques, qu’il faut avant tout torpiller.

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)