Un photographe, un homme, est mort dans la rue à Paris entre deux boutiques dans l’indifférence générale. Un homme parmi tant d’autres qui décèdent dans la rue partout dans le monde et qu’on a enjambé parce que ce n’était peut-être qu’un ivrogne, un sans-abri de plus, personne. Peu importe.
Qui sommes-nous pour décider qu’un homme à terre n’a pas besoin d’aide ? Il suffisait de s’arrêter, de détacher le regard du smartphone et de s’en servir pour appeler des secours. Mais un autre le fera bien à notre place. Combien de passants se sont réveillés la mort sur la conscience ? Peu importe.
À force de s’entendre dire par des gourous du développement personnel qu’il faut penser à soi avant tout, on en oublie l’autre. Ses besoins passent après les nôtres. Peu importe. Toutes les excuses sont bonnes quand on estime que l’autre dérange. L’autre nous emmerde parce que lui aussi a des droits, parce qu’il demande de la considération, du respect. On nous rebat les oreilles avec la solidarité, la cohésion sociale… Peu importe.
Je ne m’arrête pas, je t’emmerde. Je fais ce que je veux, peu importe les conséquences de mes actes. Mais tu es qui, toi, d’abord pour attendre cela de moi ? Et moi et moi et moi, j’affirme mon individualité et tant pis si ça dérange. Sauf quand on est pris en défaut. Quelle horreur ! On est démasqué, faible, c’est insupportable ! Combien ont été pris en défaut par la mort de cet homme ? Peu importe.
À force de faire passer le «je» avant le «nous», de se singulariser, l’individu se déshumanise dangereusement. Et voyez où cela nous mène. Peu m’importe.
L’altérité nous renvoie à ce que nous sommes et nous préférons l’occulter plutôt que de nous y confronter. Dans Le Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde écrit : «Nous ne sommes si enclins à bien juger autrui que parce que nous tremblons pour nous-mêmes». Peut-être qu’avec plus de mains tendues, nous tremblerions moins.
félicitations pour cet article qui décrit si bien notre situation actuelle… très touchant et malheureusement si vrai…