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Pauvre grammaire…

Chez nous en ce moment, on se déchire pour savoir quelle est la place du luxembourgeois. On cède, en plus, à une mode qui consiste à simplifier l’orthographe de notre langue. En France, c’est pire, on veut rendre la grammaire plus légère. Michel Lussault, le président du Conseil supérieur des programmes de l’Éducation nationale, est l’auteur d’une magnifique réforme qui ravit les profs, tous les amoureux de la grammaire et de la langue française. Peut-être est-ce par ennui ou par manque de reconnaissance ou simplement parce qu’il veut éviter à nos enfants de trop réfléchir qu’il a créé un concept fantastique : le prédicat.

De quoi s’agit-il? En fait, il comprend ce qu’on appelait il y a encore quelque temps le complément d’objet direct (COD). Petit exemple : le chat boit du lait. Il ne faudra pas décomposer la phrase en sujet, verbe, complément. Il y aura un sujet, «le chat», et, ô magie, un prédicat (ce qu’on dit du sujet), «boit du lait»! Wahou, c’est beau et en plus, ça brille la nuit! Et comme le dirait mon beau-père «Verduchmi!» (équivalent alsacien du «Oh freck» de chez nous). En outre, la notion de COD… oups pardon de prédicat et son ami le complément d’objet indirect (COI) qui n’a pas encore changé de nom (ouf), ne seront plus enseignés à l’école primaire (l’équivalent de notre école fondamentale), mais au collège, en classe de 5e (l’enseignement secondaire). Le pape de la grammaire Maurice Grevisse se retournerait certainement dans sa tombe en découvrant ce genre d’aberration. Même François Fillon, (le mari de Pénélope, du «Pénélopegate», qui a profité d’un emploi fictif) s’est ému de ce changement idiot et totalement inutile dans l’un de ses discours ce mois-ci, affirmant que «le prédicat, c’est le nouveau symbole de la dérive de l’enseignement qui depuis des années s’éloigne du bon sens et de la vie réelle».

Qu’une langue évolue, c’est un fait, car elle est un organisme vivant qui s’enrichit au fil des ans et parfois disparaît par manque de locuteurs. Simplifier la grammaire sous prétexte de la rendre plus abordable à nos enfants est une erreur monumentale parce qu’elle aboutit à l’appauvrissement de leur pensée. Et cela, on ne peut l’accepter.

Aude Forestier (aforestier@lequotidien.lu)