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Pas tous dans le même canoë

Nous sommes tous dans le même canoë», a déclaré le Premier ministre des îles Fidji, Frank Bainimarama, la semaine dernière à l’ouverture de la COP23, à Bonn. Nous aimerions lui dire qu’il a raison, que nous faisons tous partie d’une seule et même humanité et que si ses îles natales du Pacifique Sud sont submergées par la montée des eaux, alors nous sommes tous submergés.

Malheureusement, ce n’est pas vrai. Le monde, le Luxembourg compris, n’a que faire des îles Fidji et de leurs habitants. Oh, bien sûr, nous ne sommes pas avares de bons sentiments et de bonnes intentions, nous allons même nous enorgueillir de pratiquer le tri sélectif et de nous servir de sacs réutilisables en allant faire nos courses. Mais il faut bien l’admettre : c’est un peu court.

Nous avons la chance de vivre dans une zone du globe au climat tempéré et, à l’heure actuelle, le changement climatique ne signifie pour nous que quelques jours de trop grande chaleur en été et un manque de neige en hiver. Alors à quoi bon changer la philosophie d’un système économique dont nous sommes les premiers bénéficiaires?

Nous ne nous remettrons en cause que lorsque la catastrophe se produira devant notre porte; d’ici là, nous nous contenterons d’aller de sommet climatique en sommet climatique, essayant de négocier de très maigres objectifs non contraignants. Mais ne culpabilisons pas trop, la nature humaine est ainsi faite que les Fidjiens réagiraient peut-être de la même façon à notre place.

D’habitude, ce sont les personnes que l’on qualifie de «populistes» qui tiennent des discours alarmistes, voire apocalyptiques. Mais sur la question climatique, le groupe des «populistes» est constitué par l’ensemble de la communauté scientifique.

Nous savons quelle direction nous prenons et elle n’augure vraiment rien de bon pour nos enfants et petits-enfants. Qu’allons-nous leur dire dans 50 ans? Qu’il nous fallait absolument cette croissance économique, que notre PIB devait forcément augmenter, qu’il fallait se féliciter que notre marché automobile dépasse chaque année le seuil des 50 000 nouvelles immatriculations?

Heureusement, le ridicule ne tue pas; le changement climatique, si.

Nicolas Klein