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Paroles, paroles…

Allons-nous assister à un véritable séisme politique ces prochaines semaines en France? Le parquet de Paris a requis une peine d’inéligibilité de cinq ans à l’encontre de Marine Le Pen, assortie d’une «exécution provisoire». La présidente du Rassemblement national (RN) est en effet jugée depuis plusieurs semaines, accusée d’avoir orchestré le détournement de la dotation de ses élus au Parlement européen, pour financer son parti.

Le réquisitoire fait office de coup de massue pour la triple candidate à l’élection présidentielle française (2012, 2017 et 2022), qui se voyait déjà prendre place dans le fauteuil de l’Élysée lors de la prochaine échéance électorale en 2027. À seulement deux ans et demi de l’élection, le parquet manifesterait ici «une volonté de priver les Français de la capacité de voter pour qui ils souhaitent», s’est d’ailleurs insurgée Marine Le Pen mercredi soir au sortir des réquisitions. Vraiment?

Il semblerait que la députée RN ait quelques problèmes de mémoire. Il est à rappeler en effet qu’en 2004 (il y a déjà 20 ans!), au moment du procès d’Alain Juppé dans le dossier des emplois fictifs du RPR, ce cadre de la droite française pressenti pour être candidat à la présidentielle avait été condamné à une peine d’inéligibilité et Marine Le Pen en personne avait alors lancé : «Il y en a marre de ces élus qui détournent de l’argent.»

Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais, c’est ça, Marine? D’autant que, d’après la loi, le délit de détournement de fonds publics est automatiquement assorti pour un élu d’une peine d’inéligibilité. Et ce, depuis 2016. Une mesure approuvée d’ailleurs à l’époque par plus de 85 % des Français.

Marine Le Pen serait ici une simple victime d’un système qui tenterait, à tout prix, de la marginaliser. C’est en tout cas ce sur quoi surfent depuis deux jours désormais les membres de son parti, afin d’influencer d’une quelconque manière le jugement à venir. Des hashtags #JeSoutiensMarine fleurissent sur les réseaux sociaux, une pétition a même été mise en ligne dénonçant «une ingérence manifeste dans l’organisation de la vie parlementaire au mépris de la séparation des pouvoirs».

Mais la potentielle inéligibilité de Marine Le Pen poserait-elle réellement un problème au Rassemblement national? Un candidat remplaçant attend en effet patiemment son heure dans l’ombre et pourrait ainsi se frayer un chemin direct vers les portes de l’Élysée si l’occasion se présente… Calife à la place du calife? Réponse début 2025.