LuxLeaks, Panama Papers, Paradise Papers… La fiscalité occupe la une de l’actualité depuis trois ans.
Il ne passe plus un jour sans que les imbroglios fiscaux de Google, Apple et autres IKEA fassent les gros titres. Au Luxembourg, le sujet fâche. Le pays est un paradis fiscal et un centre de blanchiment de capitaux majeur.
Mais silence, il ne faut pas le dire. La seule vérité qui vaille est celle répétée la semaine dernière par le Premier ministre quand des eurodéputés ont voulu inscrire le pays sur la liste noire des paradis fiscaux : ce sont des «calculs politiques déplorables».
Fichtre! Les centaines d’experts, chercheurs, responsables politiques ou journalistes qui disent le contraire seraient des conjurés. C’est bien connu : la planète entière en veut au Grand-Duché et passe le plus clair de son temps à chercher à le déstabiliser.
Soyons sérieux, ce sont des fables. Quelle est la cohérence du gouvernement quand il refuse un jour d’augmenter le salaire social minimum et s’oppose le lendemain à la perception de 250 millions d’euros d’arriérés d’impôts dus par Amazon?
Curieuse conception de la justice sociale quand les intérêts de milliardaires américains passent avant ceux des habitants les plus pauvres du pays. Le problème est bien là.
L’on parle tant de fiscalité aujourd’hui car le sujet est un élément aggravant de la crise plus large de la redistribution des richesses, concentrées entre des mains de moins en moins nombreuses.
Ce péril, tout comme celui de l’environnement, du déclassement social ou du sentiment de perte d’identité, traverse à des degrés divers les sociétés de tous les pays du monde mondialisé.
Si les pires dérives ont souvent l’appât du gain pour moteur – l’injustice fiscale en est un parfait exemple – ce tourbillon de crises ne s’évacue pas par des formules simplistes sur le «complot étranger».
Ces problématiques s’imbriquent les unes dans les autres, se conjuguent, se confondent. Elles témoignent de la complexité du monde dont voudraient nous affranchir les financiers, leurs relais politiques mais aussi les démagogues nationalistes et tous les sectaires.
Avec sa rhétorique propre, chacun veut nous convaincre de ne pas trop y réfléchir, d’être de dociles consommateurs pour les uns ou des fanatiques décervelés pour les autres. Face à cette conjuration, il faut bien sûr continuer à parler de fiscalité. Et de toutes les autres choses qui fâchent.
Fabien Grasser