Comment doit-on qualifier l’arrêt rendu hier par la Cour d’appel à l’encontre d’Antoine Deltour, le lanceur d’alerte à l’origine de la révélation de 538 rescrits fiscaux issus du cabinet PWC? De contradictoire ou carrément d’«hypocrite», comme protestaient nombre des soutiens du Vosgien à la sortie du tribunal? William Bourdon, son avocat français, a préféré parlé d’un «sentiment mitigé», retenant que «pour la première fois dans l’Union européenne un juge national acquitte un prévenu du chef de violation du secret professionnel». Victoire à la Pyrrhus, son client étant dans le même temps condamné pour le vol des documents. Le tribunal lui accorde donc pleinement le statut de lanceur d’alerte ayant agi dans l’intérêt général, mais lui reproche d’avoir dérobé les documents à la source de la révélation. On voit assez mal comment il aurait pu divulguer les rescrits sans au préalable s’en emparer.
Pour Raphaël Halet, le deuxième lanceur d’alerte qui a divulgué quatorze déclarations fiscales de multinationales, la Cour estime aussi qu’il est, entre autres, coupable de vol. Mais au contraire d’Antoine Deltour, elle retient la violation du secret professionnel. En cause, le faible nombre de documents qu’il a révélés ainsi que leur nature, à savoir des déclarations fiscales, qui n’ont selon la Cour rien apporté au débat d’intérêt général déjà lancé sur la pratique des rulings négociés par PWC avec le fisc luxembourgeois. Autrement dit, si Raphaël Halet avait eu la main plus lourde en s’emparant de liasses de documents prouvant l’ampleur du scandale, la qualité de lanceur d’alerte lui était reconnue.
Outre l’acquittement – naturel – du journaliste Édouard Perrin, l’arrêt présente un intérêt particulier sur la pratique même des rulings. Lors du procès en appel, le défenseur de Raphaël Halet, l’avocat messin Bernard Colin, avait plaidé l’illégalité des rescrits. Ses arguments «ne sont remis en cause par aucune partie», notent les juges. Mais ils avancent qu’il ne leur appartient pas de se prononcer sur une pratique administrative. Autrement dit, c’est à la justice administrative de prendre position. Chiche?
Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)