Est-on vraiment exposé à une arrivée de migrants incontrôlée et sans précédent, qui menace la sécurité intérieure et l’identité européenne? Et est-ce que les États-Unis sont réellement confrontés à une «invasion» de migrants, pour la plupart criminels? Ces scénarios catastrophes ne peuvent pas être confirmés par des chiffres réels. Cela n’empêche pas les partis d’extrême droite de capitaliser énormément de voix, incitant même les formations modérées de reprendre les mêmes arguments pour inverser – en vain – les tendances électorales.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations de l’ONU, les franchissements irréguliers des frontières méridionales de l’UE ont diminué de 35 % entre janvier et août de cette année. Quelque 115 000 migrants non autorisés, représentant moins de 0,03 % de la population de l’UE, sont arrivés via la Méditerranée ou l’Atlantique, contre 176 252 sur les huit premiers mois en 2023. À titre de comparaison, plus d’un million de personnes sont entrées dans l’UE au plus fort de la crise des migrants en 2015. Pour être complet, il faut mentionner le million de demandes d’asile annuelles, dans une Union qui compte 450 millions d’habitants.
Aux États-Unis, l’«invasion» de migrants criminels est aussi à relativiser. Le nombre de crimes violents, qui a augmenté lors du premier mandat de Donald Trump, a diminué chaque année sous l’administration du président Joe Biden. Les migrants commettent proportionnellement moins de crimes que la population locale. Le nombre de passages clandestins de la frontière avec le Mexique est revenu au même niveau qu’en 2020.
Or, quelle est la réaction des responsables politiques? Retour renforcé de contrôles aux frontières intérieures de l’UE et délocalisation des procédures d’asile vers des pays tiers. L’Italie de Giorgia Meloni comptait servir d’«exemple» en renvoyant les migrants vers un centre de rétention en Albanie. Un tribunal vient d’invalider une deuxième fois cette pratique. La Cour de justice de l’UE prend le relais. Visiblement, ce que les populistes ont tenté de vendre comme une solution miracle s’avère être contraire à l’État de droit. Pas sûr que la justice américaine soit encore suffisamment armée pour statuer, elle aussi, en toute indépendance…