Quand Juncker fait du Juncker, ça ne manque jamais de sel. Souvenons-nous de sa blague au Premier ministre Viktor Orban en 2015. Le président de la Commission européenne avait accueilli le populiste hongrois par un retentissant «Salut, dictateur !», agrémenté d’une claque «amicale» au visage. Pas très diplomatiquement correct. Mais soyons honnêtes, Orban, alias le fossoyeur des valeurs européennes, ne l’avait pas volé.
Mais les temps changent. Il y a quelques jours, Juncker recevait le nouveau chancelier autrichien, Sebastian Kurz. Un «gentleman», paraît-il. Le jeune homme (31 ans) est si bien élevé qu’il a refusé à Juncker son traditionnel baiser de bienvenue, maintenant à distance le Luxembourgeois comme s’il s’agissait d’un étranger! Bonjour l’ambiance… Mais peut-être que Kurz n’aime-t-il pas beaucoup les étrangers? On peut se poser la question, vu que ce conservateur a choisi de s’associer avec l’extrême droite (FPÖ), arrivée troisième des législatives, plutôt qu’avec les sociaux-démocrates (SPÖ), arrivés second. Quand on préfère signer le retour au gouvernement d’un parti ultranationaliste fondé par d’anciens Waffen SS, plutôt que de respecter le choix des électeurs qui ont voté pour un parti démocratique, pardon, mais ça sent le sapin.
Pourtant, qui sonne l’alarme ? Comme en 2000, lorsque la précédente entrée du FPÖ au gouvernement avait suscité l’indignation des autres pays de l’Union ? Et la suspension de leurs contacts bilatéraux avec Vienne ? Hélas, en 2017, les États membres ont d’autres chats à fouetter. L’Europe se tait. Le président Juncker refuse d’avoir des «préjugés» contre cette majorité autrichienne, parce que «ce qui a été écrit dans le programme du gouvernement [lui] convient presque à 100%», et parce que ce gouvernement «a pris position très clairement en faveur de l’Europe». Scoop : le populisme est eurocompatible !
De quoi arranger certains États membres qui espèrent, sans oser se mouiller, un «brunissement» de la politique commune sur l’immigration. Qu’ils se réjouissent : au second semestre 2018, l’Autriche prendra les commandes du Conseil européen. Fini de rire, entend-on déjà…
Romain Van Dyck