Non, mon amie la rose ne me l’a pas dit ce matin. La vie et la mort se chargent de nous le rappeler régulièrement et de nous remettre instantanément à notre place, de nous ramener à notre condition humaine. Cela peut être un acte héroïque, une œuvre d’art, Casta Diva interprété par la Callas, la découverte d’un médicament, l’infini face à la mer ou la peur. Simple, basique.
Nous en faisons l’expérience en ce moment même, confinés que nous sommes avec pour seule compagne l’incertitude d’une menace mortelle. Entre nos quatre murs, l’angoisse creuse son chemin à travers les méninges, les nombres de cas au compteur s’égrènent, la chasse au papier hygiénique – qui cristallise les angoisses – est ouverte, l’autre devient dangereux et on devient un danger pour l’autre alors qu’il nous est essentiel, on doit apprendre à vivre «au ralenti», on imagine des scénarios de «vie d’après», un banal mal de tête ou le rhume des foins et on se sent condamné.
Nous voyons la mort en face. Tout le monde est logé à la même enseigne, même les bravaches, ceux qui ont besoin d’être en groupe et d’ignorer les règles de confinement pour repousser la peur.
Heureusement, la nature humaine est ainsi faite que cette réalité de la mort est également porteuse d’élans vitaux, de pulsions de vie. On applaudit les soignants et les caissières, on se met à la couture, on apprend la solidarité. On fait avec ce qu’on a, à la hauteur de nos moyens.
L’homme est bien peu de chose, il est souvent dépassé par les systèmes qu’il a lui-même élaborés et qui menacent souvent de s’écrouler quand l’imprévu vient y mettre son grain de sel. Ou quelques minuscules flocons. Ou un virus microscopique. C’est ironique, mais prévisible. Alors nous allons faire ce que nous avons toujours fait depuis que la Terre est ronde, nous battre. On est bien peu de chose, mais pas seulement.
Sophie Kieffer