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Odyssée sans fin

La pression migratoire refait parler d’elle. À la frontière avec l’enclave espagnole de Ceuta en Afrique du Nord ou depuis les côtes libyennes, des milliers de personnes tentent par tous les moyens de rallier l’Europe afin d’y trouver une vie meilleure et d’avoir un véritable avenir. Au Maroc, ces migrants sont, comble du cynisme, pris en otage dans un jeu politique entre le pouvoir de Rabat et celui de Madrid autour du Sahara occidental. L’Espagne a en effet accueilli sur son sol le chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, l’ennemi juré du Maroc, pour qu’il y soit soigné. Le royaume chérifien, en représailles, a donc décidé d’utiliser ses propres habitants, les plus pauvres, pour faire pression sur les Espagnols. Un jeu terrible et méprisant pour sa population la plus démunie qui préfère fuir le nord de l’Afrique pour retrouver sa dignité.

Les douaniers marocains devraient se remettre en faction à la frontière dès qu’un accord sera trouvé avec l’Espagne ou l’Union européenne, mais les dégâts qu’a provoqués cette situation seront difficiles à effacer. L’image du Maroc, souvent montré en exemple dans un Maghreb parfois très instable, est ternie pour bien longtemps. Le vice-président de la Commission européenne Margaritis Schinas a d’ailleurs amèrement réagi aux images de Ceuta. «Personne ne peut intimider ou faire chanter l’Union européenne (…) sur le thème migratoire», a-t-il dit. Les plus pauvres sont pris dans le jeu des puissants bien malgré eux.

Mais il n’y a pas qu’au Maroc que la pression migratoire est forte. À Lampedusa, le nombre de migrants qui échouent sur les côtes siciliennes augmente. Et leur nombre ne va pas se tarir, car la saison estivale permet des traversées plus «sûres». Ces personnes en détresse ont bravé le danger pour trouver le salut sur notre continent. Mais leur arrivée en Europe n’est qu’une étape dans leur odyssée. Les pays européens se déchirent toujours autant concernant leur accueil, les uns appellent à la solidarité, certains ouvrent la porte et d’autres la referment brutalement, laissant leurs «partenaires» se débrouiller et oubliant vite les principes de solidarité. Le «monde d’après» ressemble décidément beaucoup au «monde d’avant»…

Laurent Duraisin