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Nos vieux

Polnareff chantait, le siècle dernier : «Il y avait, du temps de grand-maman, des fleurs qui poussaient dans son jardin. Le temps a passé, seules restent les pensées, et dans tes mains il ne reste plus rien. Qui a tué grand-maman ? Est-ce le temps ou les hommes qui n’ont plus le temps de passer le temps ?»

Un siècle qui a bouleversé nombre de traditions que l’on croyait immuables. Comme la place accordée à nos «vieux». Aujourd’hui, beaucoup redoutent de finir dans une maison qui n’est pas la leur. D’ailleurs, elle ne ressemble pas à une maison. C’est pourquoi on chuchote son vrai nom : le mouroir. La maison de retraite n’est pas une tradition. Les personnes âgées le savent mieux que quiconque. Dans leur jeunesse, l’espérance de vie dépassait rarement les 60 ans. Elles voyaient surtout les anciens mourir dans la maison familiale. Ainsi, «la boucle était bouclée», disaient-ils.

La boucle est devenue un sac de nœuds. L’espérance de vie a atteint des sommets. Un progrès, certes. Mais aujourd’hui, c’est à 60 ans qu’on s’occupe de sa vieille mère de 90 ans. Avec, en bonus, des pathologies chroniques liées au grand âge. Arrive le moment où ces enfants déjà vieux n’en peuvent plus. Mieux vaut se garder de les juger trop hâtivement. On pointe trop souvent «la démission des familles» quand l’actualité rappelle l’existence de nos vieux. Comme lors de la canicule de 2003 où ils mouraient de soif, ou récemment en France avec la crise des Ehpad, ces maisons de retraite à bout de ressources.

Les petits 50 millions d’euros d’aides annoncés par la ministre française des Solidarités sont d’ailleurs une gifle infligée aux familles débordées et au personnel soignant éreinté, sans qui ces établissements auraient déjà coulé.

Nos voisins français (re)découvrent que la fin de vie est un business. Certaines maisons de retraite ressemblent à la ferme des mille vaches : on rationne la nourriture, l’hygiène et le personnel. Des responsables ont des «primes de remplissage» quand ils dépassent leur quota de résidents. Que doivent penser nos vieux de ces débats stériles ? Cela ne doit pas peser lourd à côté de leurs souvenirs de fleurs dans leur jardin, et du temps passé avec ceux qui n’ont désormais plus le temps.

Romain Van dyck

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