D’ordinaire, ce sont des présumés méchants que l’on renvoie devant les juges. Mais le procès qui est annoncé pour le 14 janvier prochain à Boulogne-sur-Mer présente une incongruité inhérente au profil du prévenu : on va juger un présumé gentil. Il s’appelle Rob Lawrie, il a 49 ans, vient de la banlieue de Leeds en Angleterre et il est poursuivi pour avoir facilité la circulation d’une personne en situation irrégulière.
Après avoir apporté son aide aux réfugiés de la jungle de Calais, il a fini par craquer et a embarqué sur le ferry qui le ramenait chez lui, une fillette de 4 ans qui s’était attachée à lui. Le père de l’enfant suppliait depuis des semaines ce Britannique de faire passer la petite Bahar, une fillette afghane de 4 ans, de l’autre côté de la Manche où des cousins étaient prêts à l’accueillir.
L’entreprise a échoué, la police française l’a coincé. L’enquête a pu établir que Rob Lawrie n’est pas un passeur. C’est l’histoire d’un homme que la vie n’a pas vraiment gâté mais qui a vu dans cette crise migratoire pire destin que le sien. Il organise des collectes de dons, s’en va construire des abris dans l’enfer calaisien, sa façon à lui de réagir à la photo du petit Aylan, cet enfant Syrien dont le cadavre échoué sur une plage grecque avait ému le monde entier.
Pendant que les dirigeants de ce monde, Européens en tête, se refilaient le même discours sur l’insoutenable drame des réfugiés et le même masque de grand humaniste, Rob Lawrie, a relevé les manches. Il est passé à l’action laissant aux grands moralisateurs, le soin d’animer les réseaux sociaux de leur avis éclairé sur le nécessaire accueil des victimes de toutes les formes d’oppression.
Le Britannique a précisément songé à prêter assistance à une personne en danger. En fait non, il n’y a pas vraiment songé, c’était un coup de folie sous le coup d’une émotion intense, apprend-on des différents portraits de lui dressés par les médias.
Il ne sera pas le premier à être jugé pour avoir essayé de prêter assistance à des réfugiés, d’autres ont été condamnés avant lui. Des gentils menacés de prison ferme, ça colle assez bien avec la saison. C’est l’altruisme qu’on crucifie.
Geneviève Montaigu
Désolé, Geneviève, de ne pas adhérer à cette position.
Je ne pense pas que cet évènement va « crucifier les altruistes » – comme vous dites – ceux qui oeuvrent de façon méritoire tout en restant dans un cadre légal.
Quelles que soient ses motivations, il n’est pas acceptable qu’un individu embarque une gamine – avec laquelle il n’a aucun lien – dans son poids-lourd et essaye de lui faire traverser des frontières. Accepter cela ouvre la voie à toutes les dérives. Il s’en tirera probablement avec une condamnation symbolique en mettant en avant sa bonne foi et sa volonté de bien faire mais on ne peut objectivement adhérer à sa démarche.
Comme beaucoup, vous vous laissez submerger par des élans émotionnels (petit Aylan etc.) qui n’ont rien à voir avec un travail journalistique sérieux et objectif et vous semez le doute dans ceux qui agissent légalement.
Et si le père de la petite est si désespéré, il peut aussi prendre le chemin de la Belgique (pas loin) ou de l’Allemagne (pas trop loin non plus). Il y sera bien accueilli (L’état belge par exemple est systématiquement condamné s’il laisse à la rue une seule nuit un demandeur d’asile).
C’est incontestablement la victoire de la raison sur l’émotion. Et pourtant cet homme a fait preuve de vertu!
L’histoire de ce malheureux me rappelle les misérables de Victor Hugo avec le conflit de Mr Javert et Mr Jean Valjean. Nos auteurs des siècles passés ont mis en exergue ce goufre entre la société dirigeante et l’être social ordinaire. Chacun a ses lunettes individuelles pour contempler la réalité du terrain, les uns avec des discours et les autres avec des actions spontanées. Ce qui les rassemble c’est le partage du territoire dans la dignité. Or la dignité n’a pas de prix ni de conditions. C’est ce qui a motivé le geste de cet homme altruiste.