Le gouvernement s’apprête à lancer au mois d’octobre son programme d’éducation plurilingue dans les crèches. La phase pilote, qui a couru d’avril à décembre dernier, n’a eu que des échos positifs, mais pour autant, cette initiative ne semble pas plaire à tout le monde. Une pétition milite en effet depuis quelques semaines contre l’apprentissage du français à la crèche. Son initiateur explique que la majorité des enfants ne maîtrisent pas leur langue maternelle à 100 % et que le fait d’ajouter une langue supplémentaire constitue un frein à l’apprentissage du luxembourgeois.
Si l’on peut évidemment saluer l’altruisme affiché de la démarche, on peut néanmoins se demander si derrière la volonté de faire progresser les enfants du pays sur le plan linguistique, d’autres raisons ne pousseraient pas certains à signer cette pétition. Car sur les 4 200 personnes qui ont déjà adhéré à celle-ci, on peut en effet se demander combien sont en mesure d’évaluer l’intérêt pédagogique de cette mesure? Qui est objectivement capable d’affirmer que le fait d’ajouter une langue à la crèche constitue un frein ou non dans l’apprentissage du luxembourgeois?
Il faudrait en effet ne pas se tromper de combat en pensant que le fait de rayer le français du paysage linguistique du pays serait enrichissant pour les plus jeunes. Ce combat aux relents protectionnistes qui pousse certains à penser que le luxembourgeois doit prendre l’ascendant sur toutes les autres langues sans songer aux conséquences que cela pourrait avoir.
Le multilinguisme du Grand-Duché est né de la coexistence historique de deux groupes ethniques, l’un germanique et l’autre roman. Il serait donc bon de ne pas oublier qu’il fut un temps où d’autres langues ont notamment permis au pays de se doter d’une administration.
La maîtrise des différentes langues est une véritable richesse pour le Grand-Duché et ses habitants. Il est évidemment important de tout mettre en œuvre pour continuer sur cette voie, de tout faire pour défendre la langue de Michel Rodange, mais aussi d’empêcher son instrumentalisation.
Mathieu Rosan (mrosan@lequotidien.lu)