La naïveté des uns se heurte constamment au cynisme de l’autre. Des semaines que les négociations s’éternisent à Istanbul. Des semaines qu’Ukrainiens, Européens et Américains entrevoient «des progrès» vers un retrait des troupes belligérantes et un véritable cessez-le-feu au-delà de l’étroit couloir humanitaire ouvert à Marioupol, la martyre défigurée et à l’agonie. Côté russe, on dit partager nettement moins l’optimisme occidental. Des semaines d’aveuglement, au final, à refuser obstinément de regarder la réalité en face. À se boucher les oreilles, sourdes à la vérité criante. Des pourparlers pour ne rien dire, en somme. Ou seulement ce que l’on a envie d’entendre.
On sait pourtant que Vladimir Poutine ment comme il respire. C’est ce qu’on lui a appris à faire, à lui le gamin des rues de Leningrad, quand il s’agissait de se sortir des galères. C’est ce qu’on lui a appris à faire, à lui l’agent du KGB des faubourgs de Dresde, quand il s’agissait de tromper l’adversaire. «Si le combat est inévitable, il faut frapper le premier», a un jour professé l’homme fort de Moscou. Une leçon qu’il continue d’appliquer, quand il prétend concentrer ses efforts sur la «libération» du Donbass. Si le but de guerre ne vise qu’à s’emparer des seules «républiques» séparatistes de l’Est, qui font sécession depuis déjà huit ans, à quoi bon bombarder toujours plus fort dans tout le pays…
Le cerveau de «l’opération militaire spéciale» est indubitablement le seul à pouvoir déplacer ses petits soldats et les pions humains sur la carte de son empire fantasmé. Le maître du jeu de dupes dicte les règles. Se plaît à semer le trouble, le chaos et la mort en Ukraine, tandis que nous nous répétons à l’envi qu’il est en train de perdre la partie. Comme le hasard fait parfois mal les choses, la frappe sur un dépôt de carburant à Belgorod vendredi, imputée à l’armée ukrainienne, risque de peser négativement sur les discussions, a prévenu le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. La faute à pas de chance… Les promesses russes n’engagent vraiment que ceux qui veulent bien y croire. Et c’est ainsi que la naïveté des uns nourrit le cynisme de l’autre.
Alexandra Parachini