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Mort sociale en Turquie

Ils essayent de condamner les personnes limogées à une mort sociale», raconte une enseignante turque renvoyée après le putsch manqué du 15 juillet 2016. Comme elle, 33 000 enseignants ont été limogés. Près de 5 000 sont emprisonnés et au total 100 000 fonctionnaires ont été mis à la porte sous le motif d’être liés pour les uns au PKK kurde, pour les autres au mouvement de Fethullah Gülen, le prédicateur auquel est attribuée la tentative de coup d’État. Les purges ont touché les magistrats, notamment ceux réputés pour leur sympathie de gauche. L’armée, traditionnelle garante de la laïcité, a été massivement expurgée, tout comme la police, dont 24 000 membres ont été renvoyés. La société civile aussi paye un lourd tribut : des centaines d’associations et d’ONG ont été interdites. Ils ont emprisonné jusqu’au président d’Amnesty International en Turquie. Cent cinquante médias ont été fermés et plus d’une centaine de journalistes sont venus grossir les rangs des 50 000 détenus embastillés en un an. Un diplomate européen estime à un million le nombre de personnes touchées directement ou indirectement par la répression.

Depuis son palais d’Ankara, Erdogan élimine critique, parole contradictoire et opposition, ces indispensables nutriments de la démocratie qu’il réduit à sa plus rudimentaire expression : des élections en forme de plébiscite.

Depuis son palais d’Ankara, la vue d’Erdogan porte bien au-delà des frontières d’un pays dont il se rêve l’omnipotent régisseur : la machine propagandiste tourne à plein régime jusqu’au Grand-Duché où la diplomatie turque s’active ces jours-ci auprès des médias pour stigmatiser les «ennemis du peuple», se propageant tels des «virus» dans les pays étrangers. Parallèlement, des livres dénonçant les mêmes forfaits atterrissent en grand nombre et gratuitement dans les boîtes aux lettres de certains quartiers de Luxembourg. Mais ce lobbying ne trompe personne. Il nous persuade au contraire que la Turquie, peu à peu, file vers un régime autoritaire et sans partage, au vernis démocratique décati.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)

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