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Molière ou Shakespeare ?

Ce que vous êtes en train de lire pourrait devenir la première langue mondiale en 2050. Oui, le français, devant l’anglais ou le mandarin. C’est du moins la prophétie un peu surréaliste qu’avait faite, il y a trois ans, la banque Natixis, tablant sur 750 millions de francophones en 2050 (220 actuellement).

Pas de miracle : un tel boom n’est possible que grâce à son ancrage dans les zones les plus dynamiques du monde – comprenez l’Afrique, dont la population pourrait passer de 800 millions à 4,5 milliards en 2100. Le français étant souvent la langue du commerce sur ce continent, cette dynamique se répand même dans les pays non-francophones. Signe qui ne trompe pas, les investisseurs chinois doivent souvent apprendre la langue pour espérer faire affaire en Afrique.

Et en Europe, une étude publiée jeudi dernier est venue confirmer la bonne santé de la langue de Molière. Selon l’Office de statistique Eurostat, elle reste la deuxième langue la plus étudiée au collège dans la communauté européenne, loin devant l’allemand et l’espagnol… mais loin derrière l’anglais. Ainsi, le français est dans le top 5 des langues les plus parlées dans le monde. Langue officielle ou co-officielle d’une trentaine de pays dans le monde (le double pour l’anglais), elle est même la seule langue avec l’anglais à pouvoir prétendre au rang de «langue mondiale», puisque présente sur les cinq continents.

Bref, on sabre le champagne?

Il est certainement trop tôt pour cela. D’abord parce que l’étude de Natixis a depuis été critiquée pour son excès de zèle. Car elle considère comme francophones tous les habitants d’un pays dont le français est une langue officielle, ce qui, dans les faits, n’est pas toujours le cas. Pour le vérifier, pas besoin d’aller jusqu’en Afrique : il suffit par exemple de se rendre dans le nord du Luxembourg…

Et surtout parce qu’elle sous-estime l’anglais, qui poursuit son habile campagne de séduction mondiale, et qui ne semble pas être détrônable de sitôt. Et ce, même en Europe, où on peut supposer que le Brexit n’empêchera pas Shakespeare de reposer en paix…

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)