Les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ont commencé en 2005 et on peut le dire sans prendre trop de risques, elles ne mèneront nulle part. Déjà à l’époque, ce processus reposait sur une belle dose de mauvaise foi. Bien que la Turquie tapait à la porte de l’Europe depuis près de 50 ans, il était évident qu’un grand nombre d’États membres ne souhaitaient pas que les 80 millions de musulmans turcs deviennent des citoyens européens.
Pourtant, le contexte était bien différent de celui d’aujourd’hui. La Turquie était présentée comme un modèle prouvant l’adéquation possible entre démocratie et religion musulmane. Le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du Premier ministre d’alors, Recep Tayyip Erdogan, était vu comme le pendant islamique des partis chrétiens-démocrates d’Europe.
Douze ans plus tard, la situation a fortement évolué. Si en 2005, les arguments en faveur de l’adhésion de la Turquie à l’UE étaient tout à fait recevables, il n’en est rien aujourd’hui. La Turquie se dirige de plus en plus vers une forme de dictature. Les journalistes et les opposants sont arrêtés en masse. Le processus de paix avec la rébellion kurde a plus que du plomb dans l’aile. Le 16 avril se tiendra un référendum sur une modification de la Constitution visant à étendre les pouvoirs du chef de l’État, à savoir Recep Tayyip Erdogan.
En novembre dernier, le Parlement européen a appelé à un gel des négociations et l’on ne peut que souscrire à ce point de vue. À l’heure où l’Europe a la prétention de se poser en garant des valeurs humanistes, d’ouverture au monde et d’État de droit face à l’Amérique de Donald Trump – bien que ces valeurs soient foulées au pied par le gouvernement nationaliste polonais ou encore le Premier ministre ouvertement raciste de Hongrie, Viktor Orban – il semble tout à fait impensable d’intégrer la Turquie d’Erdogan en son sein. Mais Ankara a un excellent moyen de pression sur les 500 millions d’Européens paniqués devant l’éventuelle arrivée de quelques centaines de milliers de réfugiés syriens : l’accord migratoire UE-Turquie de mars 2016.
Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)