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Ménage à trois

Le Luxembourg ne fait plus exception à la règle. La fragmentation politique est venue remplacer le modèle qui a longtemps vu trois partis populaires (CSV, LSAP, DP) former à tour de rôle des coalitions gouvernementales. Le CSV a pendant des décennies occupé les devants de la scène. Les chrétiens-sociaux avaient le libre choix de leur dauphin, souvent affaibli dès le départ en raison de la répartition disproportionnée du nombre de sièges entre les deux mariés. L’électorat très conservateur du Luxembourg n’a cessé de confirmer ce modèle de scrutin en scrutin.

Les élections anticipées d’octobre 2013, provoquées par l’affaire du SREL, constituent un tournant majeur dans l’histoire politique du Grand-Duché. Malgré la perte de trois sièges, le CSV est sorti premier des urnes. Des alliances avec le DP ou le LSAP étaient possibles. Mais pour la première fois, une majorité alternative a pu se former. DP, LSAP et déi gréng avaient décroché 32 sièges, ce qui était suffisant pour former le premier gouvernement tricolore du pays.

Après les législatives de 2018, le retour à une majorité CSV-DP ou CSV-LSAP était possible. Mais la coalition sortante, confirmée de justesse (31 sièges), n’a pas souhaité engager de mariage avec les chrétiens-sociaux, restés premier parti du pays après toutefois avoir perdu deux sièges supplémentaires, alors que DP et déi gréng avaient renforcé leur position.

Aujourd’hui, les sondages font état d’une fragmentation encore plus appuyée. Une mauvaise nouvelle pour les «grands», mais une bonne nouvelle pour les «petits». Si la tendance actuelle se confirme lors des élections de 2023, ADR, déi Lénk et Parti pirate vont peser plus lourdement dans la formation d’une prochaine coalition. Mercredi, Sven Clement, le chef de file des pirates à la Chambre, a émis (inconsciemment ?) un exemple de calcul. Allier CSV, LSAP et Parti pirate permettrait d’ores et déjà de former une majorité alternative (33 sièges). Les sondages confirment cette option (32 sièges). Elle est cependant très peu probable d’un point de vue politique. Mais plus rien n’est à exclure à un moment où le ménage à trois pour former un gouvernement semble devenir la règle au Luxembourg. Un nouveau tournant s’annonce.

David Marques