La Ville de Luxembourg veut interdire la mendicité sur une partie de son territoire entre 7 h et 22 h. Quand j’ai entendu l’information, je me suis demandé ce qu’allaient devenir Jean, 56 ans, qui fait la manche devant l’Alima depuis plus de vingt ans, Zoltan, que ses démons ont remis à la rue depuis un an après quelques années de répit, Dave, le gentil marginal, et tous les autres hommes et femmes qui les ont rejoints depuis la crise du covid. Sans ces petites pièces qui leur permettent de passer une nuit au chaud à l’auberge de jeunesse, de se laver ou qui leur apportent un peu de confort. Sans la générosité des passants qui leur offrent un café ou du temps et de la considération. Les voir si nombreux au mètre carré quand je traverse la ville pour me rendre à la Cité judiciaire m’attriste. Ne plus voir l’un d’eux m’interpelle ou m’inquiète. Les cacher ne réglera pas le fond du problème de la mendicité. Cela le rendra moins présent, moins dérangeant. Que l’on parle de la mendicité simple ou de la mendicité organisée.
C’est cette dernière à laquelle la Ville veut mettre un terme. Encore faut-il pouvoir prouver qu’un Rom qui mendie est l’esclave d’un réseau. Qu’il a été déposé en camionnette dans la Grand-Rue le matin et qu’il rentrera en train à Longwy le soir. Les chefs des réseaux ont, quoi qu’il arrive, un coup d’avance sur les communes. L’argent qui ne rentre plus par la mendicité rentre autrement. En voulant régler une infraction, on prend le risque d’en créer d’autres.
La mendicité, ce n’est pas tout noir ou tout blanc. La mendicité a autant de visages que les personnes qui la pratiquent ont de raisons de la pratiquer. Il y a les cigales, les routards, les marginaux, ceux piégés par leurs addictions, ceux qui n’ont pas le même rythme que la société, ceux qui sont malades, les résignés et ceux qui attendent une main tendue, un travail, une adresse, du courage. Les renvoyer à la nuit reviendrait à les punir, à les exclure davantage de la société humaine. Alors oui, je préférerais, naïvement, ne plus les croiser assis dans le froid le soir quand je cours me mettre au chaud, mais pas parce qu’on les a déplacés sur d’autres trottoirs froids.
Se débarasser de la mendicité comme le fait la majorité CSV-DP par une logique sécuritaire, c’est aussi la soit-disant résolution à la populiste d’un problème qu’on a soi-même créé, à savoir l’injustice sociale! Quand on laisse les prix des logement et des loyers s’envoller au tire d’ailes, qu’on refuse de reconnaître la maladie ou la détresse psychologique comme source principale d’une incapacité à l’emploi, parce que gênante pour l’idéologie néolibérale luxembourgeoise, on ne fait qu’accentuer le problème!
Et oui! l’absence si déplorée de non-luxembourgeois sur les listes communales fait partie du même registre: Au Lux, tout le monde ne vit pas au rythme des autofestivals, Miwwelfestival, Päischtcroisière et autres rendez-vous consuméristes!