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Mad(e) in France

Le smicard, c’est démodé. Non, le petit personnel du futur, c’est l’étudiant! Là, on a du papier vierge : des jeunes aux abois, dociles, qui ne connaissent encore rien au monde du travail.

Or il faut bien aiguiser un peu leurs dents de lait, non? Car sinon, comment ces jeunes loups peuvent-ils gagner à la chaise musicale avec leur petit bac+10?

Visiblement, cette logique échappe à quelques étudiants en commerce. Ces derniers jours, une société est en effet victime d’un bad buzz sur les réseaux sociaux, après la révélation de ses techniques de management trop avant-gardistes.

Cette société, c’est d’abord un authentique fossile vivant : une entreprise de textile française! Depuis 22 ans, elle vend donc chaussettes, tabliers et torchons grâce à un partenariat avec des établissements scolaires. En clair, et elle ne s’en cache pas, elle les envoie faire du porte-à-porte avec une valise remplie de chaussettes, et les somme de tout écouler le plus rapidement possible. Gratuitement, bien entendu, seule l’école recevant un montant correspondant à 20 % des biens écoulés, via un système d’associations étudiantes. Alors oui, une fuite a révélé que certains stagiaires ont reçu un message un peu sec, où ils sont accusés d’être «pitoyables» à cause de leur faible quota de ventes, avec menace à la clé de s’opposer à l’obtention de leur diplôme.

Mais en attendant, la petite société réussit, grâce à un partenariat avec pas moins de 110 écoles en France, un miracle économique : un chiffre d’affaires approchant le million d’euros, avec neuf salariés… et environ 4 500 stagiaires!

Donc, à tous ces morveux qui dénoncent du «travail dissimulé» : réveillez-vous! Aujourd’hui, les écoles vous préparent à la réalité de la vie active, main dans la main avec les entreprises qui les sponsorisent. Et puis, ces stages libèrent la France d’un encombrant sentiment de culpabilité survenant après chaque affaire d’exploitation du personnel en Inde ou en Chine. Cette fois-ci, c’est de l’exploité made in France, sacrebleu! D’ailleurs, entre nous, quand on fait un stage dans le textile, c’est normal de filer droit et de se faire tondre comme un mouton, non?

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)