«La guerre avec l’Ukraine, c’est un pas dans le néant.» Extrait d’une tribune publiée par un collectif de 664 chercheurs et journalistes russes, le 25 février. «La Russie s’est condamnée à l’isolement sur la scène internationale et à un destin de pays paria», prédit alors le texte.
Prisonnier de son orgueil, Poutine s’enferme dans de folles certitudes. Jusqu’à tomber dans le piège occidental et céder «aux aboiements de l’OTAN» à ses frontières, selon les mots du pape François. Convaincu aussi que Kiev grouille de nazis, au motif que certains se réclament encore de l’idéologie ultranationaliste de Stepan Bandera, connu pour avoir créé la sanguinaire Légion ukrainienne adoubée par la Wehrmacht… il y a plus de 80 ans. Suffisant pour «justifier» l’injustifiable.
Le cerveau de «l’opération militaire spéciale», cette guerre qui ne veut pas dire son nom, n’aura finalement réussi qu’à tuer le sentiment d’unité qui liait Russes et Ukrainiens jusque dans les mariages. À Kharkiv, on «dérussifie» à présent le nom des rues. Quitte à effacer les traces d’un riche patrimoine culturel, de Pouchkine à Gogol. Poutine se rêve en Vladimir le Grand, il restera le petit caïd de Leningrad dont l’ascension au sommet lui a fait tourner la tête. Les livres d’Histoire retiendront qu’il aura achevé sa carrière politique comme il l’a commencée : par la violence et la destruction. Croyant tenir le monde entre ses mains, maculées du sang de dizaines de milliers d’innocents massacrés en Tchétchénie, en Géorgie, en Ukraine, en Syrie ou au Mali. Son seul fait d’armes se résume à cette propagande qui avale les consciences des gens modestes comme des mieux lotis, débitant des absurdités le doigt sur la couture du pantalon. De bons petits soldats qui seront envoyés au casse-pipe comme les autres. Comme ceux du front. À l’instar de Vadim Chichimarine qui, à 21 ans, comprend trop tard qu’il aura toute une vie en prison pour réfléchir.
L’héritage glorieux que pense laisser Poutine, c’est surtout la dette honteuse qu’il doit au monde entier. Et à son peuple, qui devra – comme toujours – la rembourser un jour ou l’autre. Au prix de sa dignité, qui ne vaudra pas plus que quelques roubles. Après lui, le néant.
Alexandra Parachini