Si l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar est un symbole criant de la corruption de la FIFA, si elle est une insulte à tous les amoureux du ballon rond, elle est peut-être un motif d’espoir pour les travailleurs étrangers, qui représentent plus de 90% de la main-d’œuvre du petit émirat du Golfe.
Le Qatar a ainsi annoncé, lundi, la fin du système de parrainage – la kafala – la réforme du travail la plus importante jamais entreprise par le pays. Ce système n’est ni plus ni moins qu’une forme d’esclavage moderne dans lequel un travailleur étranger ne peut changer d’employeur ni quitter le territoire qatarien sans l’autorisation de son «parrain». Bien sûr, cette abolition est loin de mettre fin à tous les abus (confiscation de passeport, retard ou non-paiement des salaires…) et si le visa de sortie exigé pour sortir du territoire est aboli, les travailleurs auront toujours besoin de l’autorisation de leur employeur pour quitter le pays. L’ONG Amnesty International s’est d’ailleurs empressée de critiquer ce nouveau système qui garderait «intactes» les bases de l’ancien.
Mais cette abolition annoncée de la kafala s’inscrit tout de même dans une série de réformes du droit du travail déjà entreprises par l’émirat qui multiplie les projets d’infrastructures en vue du Mondial. La visibilité du sport le plus populaire de la planète a concentré les regards – et les critiques – sur le petit État du Golfe qui s’est retrouvé dans l’obligation d’agir pour améliorer le sort des ouvriers.
Si cette Coupe du monde aura, quoi qu’il arrive, un goût de sang, si les Ronaldo et Messi fouleront aux pieds des cadavres – selon l’ONG Human Rights Watch au moins 1 200 travailleurs étrangers sont morts depuis l’attribution du Mondial en 2010 – le football aura peut-être fait plus sur le long terme pour ces malheureux Indiens, Népalais ou Bangladais que leurs propres gouvernements pour qui ils représentent surtout une rentrée d’argent. Et sans doute plus que les Européens, si prompts à verser des larmes de crocodile sur la Syrie, mais prêts à se mettre à genoux devant les monarchies du Golfe pour quelques dollars et à fermer les yeux sur le financement des groupes terroristes.
Nicolas Klein