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Les populistes ont déjà gagné

À l’unisson du paysage politique européen actuel, l’Union chrétienne-démocrate allemande (CDU) a pris un net virage à droite lors de son congrès qui s’est tenu jusqu’à mercredi à Essen et au cours duquel Angela Merkel a été réélue à la tête du parti. La chancelière a dû clairement durcir son discours sur l’immigration afin d’apaiser sa base et a proclamé son soutien à une interdiction partielle du port du voile intégral, une pratique très marginale outre-Moselle. Et mercredi, les délégués du parti, à rebours de sa direction, ont demandé à revenir sur l’octroi automatique de la double nationalité aux enfants nés de parents étrangers en Allemagne.

S’il apparaît logique que la chancelière veuille rassurer après l’accueil assez chaotique de 900 000 réfugiés en 2015, ce durcissement est aussi un moyen de donner des gages sur sa droite à un électorat tenté de donner sa voix aux populistes de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD).

Mais cette stratégie est à double tranchant. Comme le rappelait mercredi un des dirigeants de la communauté turque en Allemagne, Gökay Sofuoglu, sur la double nationalité : «Si les gens (…) ne peuvent plus faire la distinction entre la CDU et l’AfD, ils voteront pour l’AfD.»

Et l’exemple français lui donne raison. Si par son discours très à droite Nicolas Sarkozy a pu affaiblir un temps le Front national lors de la présidentielle de 2007, quasiment dix ans plus tard, le parti de Marine Le Pen est désormais le premier de France. Au lieu de «siphonner» les voix de l’extrême droite, reprendre à son compte son discours et ses thèses ne fait que les légitimer et leur donner du crédit. En ce sens, les populistes ont déjà gagné.

Et la gauche de gouvernement a également sa part de responsabilité dans cette droitisation politique, elle qui a complètement abdiqué dans la bataille des idées. Là encore, l’exemple français est parlant. Le discours martial de Manuel Valls après les attentats, se refusant à toute analyse sérieuse du phénomène, et ses déclarations sur «la guerre de civilisation» qui serait en cours sont du pain bénit pour Marine Le Pen qui se voit confortée.

Nicolas Klein