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Les « causes profondes »

La Commission européenne a présenté, mardi, au Parlement européen de Strasbourg, un plan pour tenter de juguler l’arrivée par la Méditerranée de migrants en provenance d’Afrique. Ces migrants partent chercher au travers du mirage européen tout simplement de meilleures conditions de vie – et ils sont prêts à mourir pour cela, plus de 10 000 d’entre eux ont péri en mer depuis 2014.

L’objectif affiché est de s’attaquer aux «causes profondes» des migrations en donnant aux Africains des perspectives d’avenir chez eux. À cette fin, l’UE fait miroiter des milliards d’euros – mais les pays concernés n’en verront sans doute jamais la couleur – dans le but de financer des projets de développement.

Mais ces belles paroles ne sont que le symbole de la schizophrénie de l’Europe qui prétend œuvrer pour le développement de l’Afrique tout en menant dans le même temps des politiques qui aboutissent au résultat inverse. Prenons un exemple concret : l’Accord de partenariat économique (APE) conclu en 2014 entre l’UE, d’un côté, et la Cédéao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest qui regroupe 15 États) et la Mauritanie, de l’autre. Cet accord – dont le but est évidemment de «développer le libre-échange» – aboutit à supprimer 75 % des droits de douane sur les importations en provenance de l’UE dans les États africains concernés.

Si l’on prend seulement l’exemple de l’agriculture, les marchés d’Afrique de l’Ouest se retrouvent donc submergés de produits européens. En effet, comment un petit paysan pourrait-il concurrencer les agriculteurs européens subventionnés à coups de milliards d’euros par la PAC ? De surcroît, en privant ces États de recettes fiscales, cet accord les empêche d’améliorer les infrastructures de santé, scolaires ou de transport indispensables à leur développement.

Dans les négociations et l’application d’un accord de libre-échange, le faible est toujours perdant face au fort. Cet aveuglement idéologique des dirigeants européens est non seulement incompréhensible mais criminel. Et surtout, il est un obstacle à une limitation des migrations vers l’Europe.

Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)